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L’éléphantiasis, une destructrice de vie
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La filariose lymphatique ou l’éléphantiasis est l’une des vingt (20) maladies tropicales négligées (MTN) répertoriées au Burkina Faso. Dans le silence, elle sévit et détruit des vies.
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Zenabo (nom d’emprunt) a 24 ans de vie avec le pied droit atteint d’éléphantiasis. « La maladie a commencé quand j’avais 15 ans » explique-t-elle. Afin de trouver une thérapie à son mal dont elle ignore le nom, elle quitte en 2007 Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire pour s’installer à Ouagadougou au Burkina Faso.
« C’est quand je suis arrivé ici (à Ouagadougou, ndrl) qu’on m’a dit qu’il s’agit de l’éléphantiasis. A Abidjan, la famille pensait que j’avais marché sur quelque chose, c’est pourquoi mon pied enflait. Les nombreux remèdes traditionnels que nous avons essayés n’ont rien donné » témoigne Zenabo.
Ses soins elle les reçoit depuis lors au centre Raoul Follereau, un service de dermatologie du ministère burkinabè de la santé. Mais le « pied d’éléphant » de Zenabo ne désenfle pas. La malade se déplace difficilement et subit des crises de douleurs périodiques. Elle désespère.
La maladie
La filariose lymphatique communément appelée éléphantiasis ou encore hydrocèle est une maladie infectieuse provoquée par des vers parasites transmis à l’homme par des piqures de moustiques. La personne infectée a de la fièvre, un enflement douloureux et déformants de certaines parties du corps (bras, jambes, organes génitaux). La manifestation de la maladie peut conduire à une invalidité permanente et même à la mort.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la plupart des infections sont asymptomatiques mais contribuent à la transmission du parasite. Pour son élimination, l’OMS recommande la chimiothérapie préventive. Il s’agit d’une distribution à grande échelle de médicaments aux personnes concernées dans les régions touchées par l’infection.
Un poids psychologique, la stigmatisation sociale et la vulnérabilité économique
La perception sociale la plus répandue est que l’éléphantiasis et bien d’autres maladies tropicales negligées (la lèpre, la bilharziose, la trypanosomiase) sont mystiques. Elles seraient la manifestation d’« un sort envoyé au patient par quelqu’un qui l’en veut ». Le malade est stigmatisé.
Zenabo qui souffre depuis plus de deux décennies d’éléphantiasis s’en remet à Dieu. « Ma foi en Dieu me permet de ne pas m’isoler. Si je devais prendre en compte les propos des gens, peut-être que je me serais déjà suicidée » avoue-t-elle.
En plus de la stigmatisation, explique Zenabo, plusieurs personnes sont effarées à la vue de son membre atteint. « Quand tu marches, tout le monde te regarde avec stupéfaction, les enfants comme les adultes et cela est décourageant ». Cette attitude provoque de la dépression.
Vivre avec l’éléphantiasis entraine également des difficultés financières. L’on devient une charge pour sa famille et la communauté. Zenabo vit avec son frère, marié et père d’un enfant qui s’occupe d’elle. Elle voudrait bien mener un petit commerce. Mais les crises de douleurs et l’aspect invalidant de l’infection réduisent énormément ses capacités à mener une vie professionnelle ou d’activité génératrice de revenus permanente. « Quand la crise se manifeste, je peux faire un mois sans rien faire. Le corps chauffe, le pied se gonfle et se déchire souvent à l’intérieur provoquant des plaies. Tu ne peux pas marcher » se lamente la jeune femme.
Sur l’idée de tenir un commerce, Zenabo ne désespère toutefois pas. Pour elle, acquérir un minimum d’indépendance économique lui procurera un bien être psychosocial. Malgré le fardeau de la maladie, son souhait le plus ardent est de bénéficier d’un appui pour l’ouverture d’une boutique de vente d’articles divers, à proximité de son domicile.
Encore des efforts pour venir à bout de l’éléphantiasis au Burkina Faso
Un programme national de lutte contre les maladies tropicales est mis en place depuis 2013. Les multiples efforts de ce département du ministère de la santé a permis d’enregistrer de grands acquis sur le contrôle et l’élimination des MTN. Selon les données du programme, en 2023 la transmission de l’éléphantiasis est interrompue dans 62 des 70 districts sanitaires touchés. Ce résultat encourageant dispense le pays de l’organisation des campagnes de chimiothérapie préventive.
Cependant 7 275 malades d’éléphantiasis ont toujours besoin d’un suivi régulier sur les 14 000 cas recensés en 2006.
Harouna Drabo