Ouagadougou: Ces vendeuses de fruits qui n’attendent que le feu soit rouge…
Sacoche en bandoulière, foulard bien noué, fruits en main, des femmes profitent de l’arrêt au feu tricolore pour écouler leurs produits. Elles faufilent entre les engins pour proposer aux riverains des bananes, des mandarines, des oranges, des raisins, des kiwis. Un business risqué mais en plein développement à Ouagadougou.
S’approvisionner en fruits dans plusieurs points de vente dès l’aube. C’est le programme bien tracé de certaines femmes de la capitale. De l’échangeur de l’Est à l’aéroport en passant par le grand marché, Oumou Ouangrawa, âgée d’une vingtaine d’années fait le plein de ses paniers pour ensuite passer à l’ensachement.
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Edith Ouédraogo, aussi. Agée de 28 ans, son quotidien se résume à la recherche de fruits pour revendre. Ces vendeuses ambulantes de fruits n’ont pas de lieu fixe pour l’écoulement de leurs produits. « Nous n’avons pas de lieu fixe pour vendre. Aujourd’hui on peut être içi à la gare routière, demain aux 1200 logements, après demain vers Charles de Gaule. On change de lieu pour mieux rentabiliser », explique Oumou.
Après l’approvisionnement, elles se retrouvent devant des boutiques, dans les espaces libres, généralement non loin du goudron pour mettre leurs fruits en sachet et en boite. La chasse aux clients peut alors commencer. Ces femmes, fruits en mains pistent les usagers aux feux tricolores. L’arrêt au feu rouge est le moment le plus attendu pour elles.
« Quand le feu est rouge et que les voitures s’arrêtent, c’est le moment propice ou on se bouscule pour nous faufiler entre les voitures et proposer nos fruits. Souvent entre nous, on se dispute à cause des clients qu’on accoste en même temps. Chacune veut qu’il prenne ses fruits donc par moment, ce n’est pas simple. En plus il faut faire vite avant que le feu ne passe au vert », indique Awa Ouédraogo, âgée de 18ans et vendeuse au feu tricolore de la gare routière.
Le danger n’est jamais loin…
Cette forme de commerce n’est cependant pas sans danger. Les commerçantes sont exposées aux risques d’accident. A cela s’ajoutent l’effet des rayons solaires qui est souvent source de maladie. « Nous rencontrons beaucoup de difficultés, on est exposé aux accidents, au manque de respect. Pour les accidents, avant-hier (18 mars 2023, ndlr) une voiture a marché sur le pied d’une d’entre nous. Heureusement elle a eu juste une fracture, cela pouvait être pire mais Dieu merci c’était juste la fracture », explique Rouki vendeuse de bananes.
Elles s’exposent également aux injures et mépris de la part des usagers de la route. « Parfois, lorsqu’on essaye de s’approcher d’une voiture pour proposer nos produits, ils ferment leur vitre, d’autres nous insultent mais on n’a pas le choix, on se débrouille comme on peut », témoigne Mamou, une autre vendeuse de fruits.
« La police nous chasse, mais on revient toujours »
Au-delà de ces difficultés rencontrées, les vendeuses avouent qu’avec la police, ce n’est pas toujours la parfaite entente. Elles sont souvent chassées, leurs marchandises ramassées. Mais les vendeuses ambulantes retournent toujours aux abords des feux. « Les policiers qui régulent la circulation n’acceptent pas qu’on s’arrête aux abords des feux pour vendre. Ils nous chassent toujours mais comme on n’a pas de lieu fixe pour vendre on revient lorsqu’ils partent », témoigne Awa Ouédraogo.
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Comme Awa, Rosine explique avoir été au commissariat pour négocier afin de récupérer ses fruits qui avaient été récupérés par les policiers. « La semaine dernière, ils ont confisqué les marchandises des vendeuses de fruits y compris les vendeurs d’accessoires. Comme c’est notre seule source de revenu, on les a donc rejoints pour négocier. On promet de ne plus vendre aux abords des feux mais on n’a pas d’autres choix », fait-elle savoir.
Des clients qui apprécient
Célia K., comptable dans une société privée, est une habituée des achats de fruits avec ces femmes. « C’est une manière pour moi de les encourager. Elles sont braves et cherchent à vivre dignement », dit-elle. Oranges, bananes, poires, Célia en achète même quand elle n’a pas envie.
Rodrigue Kambou, agent marketing, encourage également les femmes en payant quelque fois leurs marchandises. Ces femmes, dit-il, encourent beaucoup de risques d’accidents et même d’abus, mais elles n’ont qu’une seule conviction : vendre et survivre. « J’apprécie énormément », affirme Rodrigue. Un lendemain meilleur au bout de l’effort, c’est cet espoir qui maintient ces femmes au bord des feux tricolores.
Studio Yafa avec Mousso News