#InstantDiasporaBurkinabè | « Lorsque j’ai quitté le Burkina (…), je pensais déjà au jour où je reviendrais servir mon pays », Kalifa Sankara
« Lorsque j’ai quitté le Burkina un matin de novembre 2009 pour Dakar, je pensais déjà au jour où je reviendrais servir mon pays », rappelle avec affection Sambo Kalifa Sankara, Burkinabè résident en France. Responsable du département Business Intelligence à Eni, une multinationale italienne, Sankara est très fréquent au pays. Il est doctorant avec une thèse sur l’Intelligence artificielle et l’Energie solaire. #Rencontre
Présentez-vous à nos lecteurs
Je suis Sambo Kalifa SANKARA, Burkinabè résident à Paris, en France. Je suis responsable du département Business Intelligence au sein du groupe Eni, la multinationale italienne œuvrant dans le secteur des hydrocarbures, de la fourniture d’électricité et du gaz. Je suis également doctorant avec une thèse sur l’Intelligence Artificielle et l’Energie Solaire.
Depuis quand êtes-vous à Paris ?
Je suis arrivé à Paris en 2012 pour un master en Exploration Informatique des Données Décisionnelles à l’Institut Galilée. Depuis, je suis résident en France avec des navettes fréquentes entre la France et l’Afrique.
Du Sénégal en France ? Qu’est-ce qui vous a amené dans ces pays ?
Dans le cadre de mes études, j’ai en effet eu le privilège de séjourner au pays de la Teranga. Le choix du Sénégal au départ était un choix par défaut. Un choix par défaut, car la projection initiale était de commencer mes études en informatique dans un autre pays. Par manque d’anticipation et pour d’autres raisons, ce projet n’a pas pu aboutir. Aujourd’hui, quand j’échange avec les futurs diplômés au baccalauréat, j’insiste sur la nécessité qu’ils anticipent et pensent leur projet post baccalauréat. Il est aussi du ressort des établissements d’enseignement et du ministère des enseignements de penser les solutions pour que les futurs diplômés puissent être prêts au moment de commencer leurs études supérieures.
Le choix du Sénégal s’est par la suite avéré un excellent choix qui m’a ouvert d’autres opportunités notamment la rencontre de professeurs hautement qualifiés et performants.
Vous êtes aujourd’hui responsable dans une société française, comment se passe votre intégration ?
Il est vrai que l’intégration est une phase qui ne finit jamais. Mais aujourd’hui, j’ai pu développer des codes et certains réflexes qui me permettent de m’intégrer facilement quand j’arrive dans un nouveau milieu. Il faut dire que mon passé de consultant a été bénéfique pour la découverte de plusieurs cultures et la rencontre de plusieurs profils, ce qui permet finalement d’être préparé à quasiment toutes les éventualités.
Est-ce que vous subissez des actes de racisme ou de rejet ?
Quand vous avez eu la possibilité de faire une dizaine d’entreprises différentes les unes les autres, il est évident que vous rencontrez plusieurs types de personnes, et que des incompréhensions ont pu survenir. Mais ces incompréhensions sont-elles liées au fait que je sois d’une autre origine ? Je ne pense pas. En tout état de cause, le racisme tel qu’il peut être compris (insultes et dénigrements en mentionnant la couleur de peau ou l’origine) je ne l’ai pas encore connu. Cependant, je suis conscient qu’il existe, certaines personnes de mon entourage l’ont déjà vécu.
Est-ce que vous rencontrez des difficultés particulières ?
Par moments, je peux rencontrer des difficultés. Que ça soit dans la vie privée ou dans le monde professionnel. D’ailleurs, mon métier consiste à anticiper des solutions pour répondre aux difficultés qui se présentent au quotidien au sein de mon entreprise. Je suis une personne orientée solution qui ne m’arrête pas aux difficultés, ce qui facilite énormément dans la résolution des difficultés quand celles-ci surviennent.
Quels sont vos défis au quotidien ?
Cette question aurait pu être la seule de notre échange, car la réponse pourrait être longue. Je vais essayer de faire très simple.
Plusieurs défis m’animent au quotidien. Si je devais en citer 3, je mettrais en avant :
- Le défi de terminer ma journée en étant une meilleure personne que celle que j’étais en début de journée
- Le défi de répondre aux maximums de sollicitations qui arrivent chaque jour
- Le défi d’être disponible pour ma famille et mes proches
Je termine une journée en me disant qu’elle a été excellente, si j’arrive à valider chacun de ces points.
Quels sont vos perspectives ?
Mes perspectives sont nombreuses et très diversifiées. Ma philosophie, c’est que nous devons tous avoir conscience du rôle que nous avons à jouer pour que les événements évoluent autour de nous.
Personnellement, j’œuvre dans le social, dans l’éducation, dans l’éveil des consciences. Plusieurs projets dont je suis Co-penseur ont d’ailleurs déjà vu le jour au Burkina et en France. D’autres sont en cours de lancement avec toujours le même objectif : servir le plus grand nombre.
- Quel est votre plus grand rêve pour le Burkina ?
La fin du terrorisme. Un Burkina libéré du terrorisme, un Burkina libéré des fractures qui nous ont divisés pendant trop longtemps.
- Vous êtes doctorant en Intelligence artificielle, avez-vous des projets dans ce sens pour le Burkina ? par exemple pour lutter contre le terrorisme ou promouvoir les initiatives des femmes et des jeunes ?
Ma thèse en Intelligence Artificielle (IA) a pour cadre principal l’utilisation de l’énergie solaire au Burkina et en Afrique. Lors de la phase d’investigation qui a débouché sur le choix de ma problématique, j’ai mis en analyse l’ensemble des perspectives actuelles et à venir pour un Burkina développé et prospère. La problématique sur le solaire est apparue rapidement comme une évidence au regard des enjeux énergétiques qui sont les nôtres.
Bien que focalisée en grande partie sur le solaire, cette thèse m’oblige à m’interroger sur toutes les solutions IA existantes. Dans le domaine de la Défense, j’ai déjà eu l’occasion lors d’émissions ou d’interview, de lister les solutions qui pourraient accompagner nos Forces de Défense et de Sécurité dans leurs opérations de reconquête du territoire national.
L’IA s’applique à tous les domaines de notre société et est utilisable par toute personne désireuse de booster son activité. Des exemples de femmes et de jeunes qui ont fait passer leur business d’un statut embryonnaire à celui de mature sont légion dans plusieurs pays africains.
- Comment est-ce que la femme peut utiliser l’IA pour promouvoir ses activités ?
L’IA s’applique à tous les secteurs d’activités. Quelques idées d’utilisations courantes pour les femmes qui nous lisent :
- L’agrobusiness
- Le commerce à grande échelle
- La restauration à grande échelle
L’utilisation de l’IA dans l’agriculture apparaît comme la piste la plus prometteuse de nos jours. Il faut rappeler que les femmes, en Afrique, représentent 50 % de la main-d’œuvre agricole et plus de 62 % d’elles sont impliquées dans toute la chaîne agricole : production, transformation et commercialisation des aliments. Les techniques de l’IA sont une chance d’aller plus vite et de réorienter les énergies vers d’autres tâches à forte valeur ajoutée.
L’IA est applicable à partir du moment où ses conditions primaires sont disponibles : les outils d’analyses et de projections et les données.
- Est-ce que vous comptez rentrer au pays ?
Lorsque j’ai quitté le Burkina un matin de novembre 2009 pour Dakar, je pensais déjà au jour où je reviendrais servir mon pays. Cette réflexion ne m’a jamais quitté et se matérialise aujourd’hui par les nombreux allers-retours que j’effectue depuis maintenant quelques années. Notre pays a un énorme potentiel et ceci dans tous les domaines. Il nous faut tous, chacun dans son domaine, penser à apporter notre pierre à la construction de la patrie.
- Quelle est votre lecture de la situation sociopolitique du Burkina Faso ?
Notre pays traverse sa crise la plus grave de son histoire. Cette crise sécuritaire, nous oblige à repenser la façon dont nous devons vivre ensemble. Si aujourd’hui certains burkinabè se retournent contre leur propre pays, il nous faut impérativement trouver des éléments à analyser. Ma lecture de la situation actuelle est aussi une lecture d’espérance, car des signaux encourageants se dégagent. Ces signaux laissent espérer que nous avançons dans le bon sens. A mon avis, toutes les énergies devraient davantage être consacrées en priorité, à la recherche de solutions pérennes qui puissent nous permettre de revenir à une situation de paix, et cela, de façon durable. Il est important de ne pas oublier que le défi sur la question sécuritaire n’est pas juste la fin des groupes terroristes, il nous faut aussi nous assurer que plus jamais, notre pays ne connaîtra encore de crise sécuritaire de ce type.
- Si vous pouviez changer quelque chose, ça serait laquelle ?
Restons sur la crise sécuritaire que traverse notre pays, si j’avais ce pouvoir magique que nous rêvons tous d’avoir par moment, je ferai disparaître le terrorisme en apaisant aussi les cœurs meurtris. Un pays ne saurait se développer sans stabilité. Notre pays a été suffisamment retardé par ces 7 ans d’instabilités. Nos défis sont énormes et touchent les questions existentielles comme la santé, l’éducation, l’énergie, les infrastructures et bien d’autres.
- Quel est votre rêve pour les femmes d’Afrique, plus précisément celles du Burkina Faso ?
Mon rêve est avant tout général, à l’échelle de notre continent. Je rêve d’une Afrique d’hommes et de femmes unis et qui font face aux défis de notre époque. Mon rêve est aussi que les hommes et femmes du Burkina construisent ensemble, un idéal commun pour faire de notre pays, le pays de l’émergence et de l’épanouissement. Mon autre rêve est de voir toutes les femmes du continent et principalement celles du Burkina être évaluées à leur juste valeur. Il n’est pas normal à notre époque, que nos mères et sœurs soient sous-évaluées pour la simple raison qu’elles sont des femmes. Ce rêve réalisé, les énergies et les idées se développeront aisément.
- Quel est votre mot de fin ?
Je tiens à vous remercier, moussonews pour cette opportunité qui m’a été donnée de m’adresser à vos lecteurs. Votre média est une référence et vous contribuez à mettre en évidence les femmes du Burkina et d’ailleurs qui font avancer la société.
A ce moment précis, j’ai une pensée particulière pour les veuves du terrorisme. Mesdames, vous pouvez être sûres d’une chose : vous avez eu de valeureux époux qui se sont battus pour une cause noble, vous pouvez être fières.
Interview réalisée en ligne par Bassératou KINDO