« Les écoliers disent rarement que leur rêve est d’être enseignant du primaire », Yolande Ouattara/Savadogo
Yolande Savadogo épouse Ouattara est la présidente de l’Amicale des éducatrices du Burkina et du Réseau des enseignantes de l’Afrique de l’Ouest. Dans cette interview accordée à MoussoNews, elle parle de l’initiative du réseau et met le doigt sur les conditions de vies des enseignantes parfois pénibles, notamment dans ce contexte de crise sécuritaire.
- Présentez-vous à nos lecteurs
Je suis Wend-kuni Yolande Savadogo épouse Ouattara, présidente de l’Amicale des éducatrices du Burkina et du réseau des enseignantes de l’Afrique de l’ouest par ailleurs écrivaine, psychologue et conférencière des lycées et collèges. Je suis aussi chroniqueuse.
- Rappelez-nous l’historique de votre réseau ?
Le Réseau des enseignantes de l’Afrique de l’Ouest est né d’une sortie que notre Amicale a fait à Lomé au Togo. Nous sommes rentrées en contacts avec les enseignantes de pays avec qui nous avons partagé des moments de réflexions. Vu que c’était un voyage d’étude, il fallait inclure un programme de ce genre. Et l’idée d’impliquer d’autres pays est née. Après, nous nous sommes finalement retrouvées à Lomé avec la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Bénin, Togo, le Burkina Faso. Nous avons tenus cette rencontre sous forme de forum.
Certains pays comme le Niger qui venait de vivre son coup d’Eta n’a pas pu venir. Le Sénégal et la Mauritanie aussi n’ont pas pu y prendre part.
Au niveau de l’assemblée générale, nous avons mis en place le premier bureau exécutif en 2023 et dont je suis la Présidente.
Le 2e forum a eu lieu au Burkina Faso en aout 2024.
- Le thème portait sur la résiliation du système éducatif avec le Réseau : réussir au-delà de la Terreur. Pourquoi ce thème donc ?
Ce thème était en effet, d’actualité avec tout ce qui se passe dans nos différents pays. Les violences que les enseignantes subissent, les viols etc… y compris le terrorisme, les conflits, ce thème devait être mise à réflexion afin de trouver des solutions meilleures pour les enseignantes.
- Au Burkina, au-delà du terrorisme, vous avez parlé de viol. Quels sont les autres violences auxquelles les enseignantes font face ?
Les violences sont multiples. Les enseignantes sont souvent marginalisées. Par moment, certains veulent exercer le pouvoir surtout la hiérarchie sur l’enseignante. Et ils y en ont qui sont confrontées à certaines exigences. Pendant les affections, par exemple, on exige par moment à certaines, d’échanger le corps avec le poste ou le lieu d’affectation.
- Combien d’enseignantes comporte le Réseau ?
Notre amicale compte autour 500 membres qui ont les cartes de membres.
- Qu’est-ce que l’association mène comme activité en plus du forum qui réunit les enseignantes ?
Nous avons plusieurs activités que nous menons souvent. Nous faisons des campagnes par exemple sur la santé, le civisme…. Nous tenons aussi des conférences avec des élèves des lycées et collèges pour les sensibiliser et même avec les parents. Parce que nous savons que beaucoup de parents ont des difficultés pour encadrer les enfants. Souvent, nous menons des sensibilisations pour amener les parents à mieux s’impliquer dans l’éducation des enfants particulièrement celle de la jeune fille.
Il y a aussi les camps éducatifs que nous tenons chaque année en faveur des élèves déplacés, les orphelins, les enfants en situation de handicap. Nous les réunissons, avec même ceux qui viennent d’avoir le CEP, pour avoir un moment pour les préparer au collège. Parce que nous savons que souvent l’enfant quand il est à l’école primaire ça va mais dès qu’il arrive au collège, il fait face à plusieurs situations et s’il n’est pas préparé facilement son éducation peut être corrompue.
- Est-ce qu’on peut dire que les enseignantes souffrent plus que les enseignants ?
Je peux me permettre de le dire. Déjà l’enseignante, quand elle est mère, ou qu’elle doit avoir une grossesse avec laquelle elle doit aller en classe, s’occuper de ses enfants, et s’occuper également des enfants des autres en classe, c’est difficile de tenir debout toute une journée
Donner les cours, parler aux enfants, aller à la maison avec tes enfants, prendre soin du foyer, et encore préparer les cours du lendemain, il faut réfléchir aux matériels qu’il faut réunir et retourner à l’école. Ce n’est pas aisé. Et pire pour celles qui sont dans les zones très éloignées. Les hommes n’ont pas toutes ces charges.
- Est-ce que le métier de l’enseignement est beaucoup enviable ?
Beaucoup envier, je ne le dirai pas. La fonction de l’enseignement est vu comme un bas fonctionnariat. Cela fait que même en classe, quand on demande aux élèves quels métiers, ils rêvent d’exercer, il y a peu qui diront qu’ils veulent être enseignants. Tout cela à cause de l’image qu’on donne de l’enseignement. Les enfants à la maison, écoutent les parents qui discutent de ce métier qu’ils estiment peu juteux. Quand un enfant se retrouve avec des parents qui ont des préjugés négatifs sur les enseignants, l’enfant ne ferra que suivre Et si cette pensée prend de l’ampleur en eux, personne ne voudra devenir un enseignant.
- Mais est-ce que c’est un métier juteux ? Quand je dis juteux, est-ce que c’est un métier où on peut avoir des millions un bout de 5 ans ?
Non, tout dépend. Quelqu’un disait, que quiconque veut devenir riche, ne devient pas enseignant. Pour dire que si c’était un métier juteux, tout le monde allait chercher à postuler. Pas un métier juteux mais moi je dirais que quel que soit le métier que vous exercez, c’est une question de gestion. Si vous savez gérer vos ressources, je peux dire que vous êtes nanti sur tous les plans. Mais si vous ne pouvez pas gérer vos ressources quelqu’un soit ce que vous touché par mois, vous n’allez pas vous en sortir.
Interview réalisée par Julie Jessica/ MoussoNews
Retranscription / Diane SAWADOGO (Stagiaire) / MoussoNews