Les fêtes et le partage de nourriture : Une tradition en déclin
Autrefois symbole de fraternité et de solidarité, le partage de nourriture entre voisins lors des fêtes semble s’effriter au fil des années. Si certains Burkinabè perpétuent toujours cette tradition, d’autres ont peu à peu renoncé, découragés par des incompréhensions ou des malentendus.
Dès l’aube, les fumées s’élèvent au-dessus des maisons de la capitale burkinabè. Ce 25 décembre, l’effervescence de Noël se fait ressentir dès 6 heures du matin. Le cliquetis des marmites et le parfum des mets en préparation annoncent la célébration. Dans de nombreux foyers chrétiens, c’est l’heure de s’activer pour préparer de quoi recevoir famille, amis et voisins.
Chez Thérèse Somé, fervente chrétienne, la cuisine est déjà prête. Au menu : macaroni, couscous, salade, poulet, poisson et diverses boissons. Mais au-delà du repas familial, Thérèse garde à cœur une tradition qui lui tient particulièrement à cœur. Elle prend le soin de partager ses plats avec ses voisins.
« Quand je finis de cuisiner, j’envoie les enfants distribuer de la nourriture aux voisins du quartier. Pour moi, c’est ça l’esprit des fêtes, le partage », confie-t-elle.
Si ce geste demeure précieux pour elle, Thérèse n’a pas manqué de souligner une réalité qu’elle trouve préoccupante. « Les fêtes d’autrefois étaient différentes. Lorsqu’il y avait le Ramadan ou la Tabaski, je ne cuisinais pas. Mes voisins musulmans me faisaient parvenir de la nourriture. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil », se désole-t-elle.
Désormais, Thérèse ne reçoit plus qu’un seul plat, provenant de son voisin de droite. « Les autres ne partagent plus, c’est dommage car nous perdons peu à peu cette fraternité », regrette-t-elle.
Odette Nana, habitante du quartier Tanghin, a quant à elle définitivement tourné la page du partage de nourriture. « Cela fait plus de trois ans que je ne partage plus rien », affirme-t-elle, visiblement marquée par une mésaventure.
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« Un jour, j’ai donné de la nourriture à un voisin qui ne célébrait pas Noël. Le lendemain, mon fils m’a rapporté que son ami avait vu sa mère jeter la nourriture, affirmant que la viande n’était pas halal et venait de païens », raconte-t-elle avec amertume.
Ce souvenir semble marqué Odette, qui y voit un signe du déclin de l’entraide et de l’amour entre voisins. « Avant, peu importait la religion, nous partagions tous ensemble. Aujourd’hui, chacun reste dans son coin », déplore-t-elle.
Malgré ces désillusions, des Burkinabè comme Thérèse continuent de perpétuer la tradition du partage, espérant que cet esprit de convivialité renaîtra dans les cœurs. « Noël, c’est l’amour du prochain. Je préfère donner même si je ne reçois rien en retour », conclut-elle avec espoir.
Diane SAWADOGO (Stagiaire)/ MoussoNews