Santé sexuelle et reproductive : des vies sauvées par Gnintawoma
Aborder les questions de santé sexuelle dans la commune de Garango, ville située dans la région du Centre-Est du Burkina pouvait être considéré comme une atteinte aux mœurs. Stratégiquement et avec une approche communautaire, dans le cadre du programme Voix Essentielles de Speak Up Africa, l’association Gnintowama a su instaurer des échanges autour de la problématique de la santé sexuelle et reproductive. Des milliers de femmes et de jeunes filles de la localité sont aujourd’hui éclairées sur le sujet et prennent des décisions en toute indépendance.
Sabine (nom d’emprunt), 17 ans doit sa vie à l’association Gnintawoma. La jeune fille a tenté d’avorter de façon clandestine. Les saignements n’avaient cessé au point que quelque unes de ses camarades s’inquiétaient de son état de santé. La causerie éducative initiée par l’association Gnintawoma dans leur établissement a sonné comme un ouf de soulagement. En effet, fin mai 2022, le lycée de Sabine dans la commune de Garango avait été choisi pour une sensibilisation sur les dangers de l’avortement, les drogues, mais aussi sur les méthodes contraceptives pour éviter les grossesses non désirées. Les causes, les conséquences et les solutions ont été présentées clairement aux élèves. Quelques jours après Sabine, désormais informée et débarrassée de toute peur prend le courage d’appeler les responsables de l’association. Elle explique ses craintes. Des conseils et suivis médicaux s’en sont suivis jusqu’à ce qu’elle recouvre la santé. Sabine a ainsi promis d’être une actrice de sensibilisation sur la santé sexuelle et reproductive auprès de ses camarades.
Les grossesses non planifiées sont quasi-quotidiennes dans la région du Centre-Est
Deux phénomènes pourraient justifier la fréquence de grossesses non planifiées dans la région du Centre-Est selon Fatoumata Bambara, la Presidente de l’association Gnintawoma. Il s’agit notamment de l’absence fréquente des conjoints en immigration et le fait que la région soit un carrefour commercial. A cela s’ajoutent le manque d’information et l’ignorance des femmes et des jeunes filles sur les méthodes de contraceptions et le planning familial.
En effet, explique Fatoumata Bambara, plusieurs femmes sont des célibataires géographiques dans la région. « L’absence du conjoint reste véritablement un obstacle pour des jeunes femmes à adopter une méthode de contraception en ce sens qu’elles estiment, de même que la famille de l’époux qu’elles n’en ont pas besoin ». Pourtant, poursuit-elle, avec l’évolution des mœurs et la disponibilité de certaines informations via les téléphones, les télévisions et les médias sociaux, beaucoup de femmes se laissent tenter par des relations extraconjugales. Avec pour conséquence les grossesses non désirées et les maladies sexuellement transmissibles.
Les sensibilisations de Gnintawoma ont brisé la glace
Les cadres d’échanges de l’association Gnintawoma ne désemplissent pas. Des femmes de la ville de Garango en réclament parfois. Si au départ, elles avaient peur de participer aux échanges sur la santé sexuelle et reproductive pour des raisons d’être pointé du doigt par leur famille, des femmes se disent désormais plutôt soucieuses de leur santé que des regards de la société. « Pendant les échanges, elles posent des questions d’éclaircissement. Pourtant, elles avaient vraiment peur au début. La communauté trouvait paradoxale qu’une femme mariée ayant son mari en aventure participe à des séances d’informations sur les méthodes contraceptives. Elles ont désormais compris que leur corps leur appartient et doivent en prendre soins non seulement pour elle mais aussi pour leur conjoint », explique la Présidente. Il en est de même pour les jeunes filles dont les parents refusent d’aborder la question de la sexualité. Elles n’osaient pas se rendre dans les centres de santé.
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Et pour mieux véhiculer les bonnes nouvelles sur la santé sexuelle et reproductive, l’association Gnintawoma a traduit plusieurs textes et lois en langue BISSA. « Nous avons des relais communautaires dans plusieurs localités qui sensibilisent des femmes sur leurs droits en langue bissa. Cette méthode est très efficaces car mieux expliqué en langue, elles apprennent et informent à leur tour, d’autres femmes. Aujourd’hui, beaucoup de femmes savent faire la différence entre les méthodes et laquelle les conviennent le mieux », informe Fatoumata Bambara.
La traduction de ces textes et plusieurs autres activités notamment les sensibilisations dans les écoles ont été possibles grâce au programme Voix Essentielles. A ces documents traduits, l’association Gnintawoma a menée des plaidoyers auprès des autorités religieuses, communautaire et administratives.
Plus de 400 jeunes sensibilisés sur la santé sexuelle et reproductive
Mohamed Bambara, chargé de projet à l’association Gnintawoma se dit fier de l’exploit et de l’impact du programme – Voix Essentielles- dans la région du Centre-Est. En quelques mois, dit-il, près de 1000 jeunes élèves ont été touchés par les sensibilisations sur la santé sexuelle et reproductive. « J’avoue que lors des séances, nous étions parfois étonnés par certaines questions que posaient les jeunes élèves. On sent le besoin d’être informé et d’éviter les conséquences qui briseraient leur avenir », témoigne-t-il.
Séance de sensibilisation dans un lycée de la ville de Garango
Des jeunes, ajoute-il, ont même demandé des préservatifs pour les garder dans leur sac. Le taux de grossesse en milieu scolaire dans la région du Centre-Est est l’un des plus élevé au Burkina. Au regard du besoin présent de l’information pour les jeunes, le vœu de Mohamed, chargé de projet est de voir reconduire le projet pour lever totalement le tabou sur la sexualité dans la région et partant au Burkina Faso.
Bassératou KINDO