Afrique : les inégalités, la barrière à briser pour l’équité vaccinale
C’est connu, la vaccination est un moyen efficace pour prévenir les maladies. En Afrique, elle a fortement contribué dans l’éradication des maladies infectieuses et surtout dans la réduction de la mortalité infantile. Cependant, malgré des décennies de programmes élargis de vaccination sur le continent, les inégalités et la faible prise en compte du leadership communautaire mettent des millions d’enfants sur le carreau.
« Les normes sociales et culturelles et le statut inégal des femmes dans beaucoup de sociétés peuvent réduire les probabilités qu’un enfant soit vacciné, en empêchant la personne qui s’occupe de lui d’avoir accès aux services de vaccination », constate l’Alliance Mondiale pour les Vaccins et la Vaccination (GAVI). L’organisation œuvre pour l’accès équitable aux vaccins dans le monde. Et pour la seule région de l’Afrique, 7,3 millions d’enfants sont restés « zéro dose » en 2019.
A des degrés inimaginables, des facteurs individuels, familiaux et communautaires font obstacles à l’administration des vaccins en Afrique. Les spécialistes de santé publique interrogés sont unanimes. Dans la plupart des communautés sous nos tropiques, le statut socioéconomique de la mère influence plus ou moins l’accès de son enfant aux services de santé.
Bien qu’elle soit le garant du bien-être de l’enfant, la mère n’est pas toujours maîtresse de la chaine de décision concernant le recours aux soins de santé pour elle-même et sa progéniture. « C’est elle qui s’occupe de l’enfant mais n’a pas le droit de se rendre au dispensaire pour le rendez-vous vaccinal sans l’accord du père de l’enfant, souvent du chef de la communauté » a déclaré Dr Alima Essoh, Directrice du bureau Afrique de l’Agence de Médecine Préventive, spécialiste en programmation des vaccins axée sur la routine.
De plus, poursuit Dr Alima Essoh, dans ce type de famille l’ordre de naissance est parfois déterminant dans l’accès des enfants aux soins de santé. « Ils (NDLR les chefs de famille) vaccinent plus aisément les premiers nés car sont sensibilisés aux maladies de l’enfance. Puis, n’ayant pas vu ces maladies du fait de la vaccination, ils ont tendance à les occulter lors des naissances suivantes ou à donner la priorité à leurs activités professionnelles au détriment de la vaccination » que les suivants.
A cela, s’ajoute la construction sociale qui place le garçon au-dessus de la fille. « Dans nos communautés il y a cette tendance à donner plus d’importance à l’enfant de sexe masculin vu comme héritier, le bras valide et à sous-estimer l’importance de s’occuper des filles. Cette inégalité conduit les parents à exclure les filles des services de santé et de la vaccination » a expliqué le Dr Moumini Niaoné, médecin en santé sociale communautaire et comportementale, par ailleurs directeur exécutif de Pull For Progress.
Les enfants des ménages pauvres sont généralement hors de la couverture vaccinale
Les populations vivant dans les zones rurales reculées ont pour leur part « moins de possibilités de se faire vacciner et sont moins sensibilisées sur la question » fait remarquer l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans un manuel consacré au suivi des inégalités en matière de vaccination.
La principale conséquence de l’accessibilité limitée de ces populations aux services sanitaires est la rareté des contacts avec les agents de santé, et la sous informations sur les offres sanitaires disponibles.
On observe également des disparités dans la couverture vaccinale entre les populations riches et pauvres dans les pays africains. Les enfants « sans dose » de vaccin se retrouvent généralement dans les ménages aux revenus faibles. L’une des raisons qui explique cet état des faits, a étayé Dr Essoh Alima, est l’accès facile des familles aisées à l’information et aux services sanitaires.
Les leaders communautaires, maillon indispensable pour un accès égal aux vaccins
D’après le Dr Moumini Niaoné, des changements profonds doivent être opérés depuis l’approche conceptuelle jusqu’à la mise en œuvre et l’évaluation des programmes de vaccinations pour une meilleure équité vaccinale. « Il faut un leadership fort qui prend sa source dans les communautés, impliquer les populations locales tout en identifiant en leurs seins des leaders qui porteront l’idéal de l’accès aux vaccins » détaille-t-il.
Ces « champions communautaires » sont des transformateurs systémiques qui ont la capacité de déconstruire les fausses perceptions et de briser les normes sociales pour un accès égal aux vaccins. Au niveau pays et continental, la société civile quant à elle doit se remobiliser en faveur du vaccin. Et cela passe, selon Dr Alima Essoh, par le partenariat public-privé pour le financement de la recherche, de la production et du déploiement des vaccins partout et pour tous.
Harouna Drabo