Burkina : Regards dans l’antre de la naissance de la vie
Entre douleurs et stress, l’autre moitié du ciel met sa vie en danger en donnant la vie. Quotidiennement. Dans des conditions souvent déplorables. Constat dans deux maternités de la ville de Ouagadougou.
Vendredi 15 décembre 2017. Il est 18h42 à la maternité du district sanitaire du secteur 30 de Ouagadougou. Les habitués l’appellent « CMA du 30 ». Dans le hall d’attente, des femmes, des hommes et des enfants. Certaines femmes sont couchées à même le sol sur des pagnes ou des nattes. Sur les murettes sont déposés des plats contenant de la nourriture. Des familles venues certainement donner à manger à leur patient.
Devant le bâtiment abritant la salle d’accouchement, deux vigiles sont assis. Une radio leur tient compagnie. Dans l’allée, deux femmes sont couchées au sol. Des parturientes. La première est adossée à ses deux accompagnantes, gémissant de douleur. Et la seconde tient sa poche de perfusion en main.
Dans la salle d’accouchement, une jeune dame est couchée sur une table. L’air calme, elle attend les soins des sages-femmes.
21h43. Deux dames arrivent de dehors. Elles trainent avec elles leur perfusion. « Je suis là, depuis le mardi 12 décembre 2017. On m’a dit que je dois être opérée. L’intervention est prévue pour le mercredi 20 décembre, mais je suis fatiguée. J’ai bien envie de rentrer chez moi maintenant », confie Mariam, la trentaine d’âge. Elle peine à marcher. Mais il le faut : « les sages-femmes m’ont dit de marcher de temps en temps pour rester un peu en forme avant l’accouchement », confie-t-elle l’air assez confiante.
Plus loin, dans un couloir, est couchée une jeune femme d’environ 20 ans sur la jambe de sa mère. Elle pleure. Mais aucune larme ne coule. « Maman, j’ai mal. Ça fait mal », débite-t-elle. « Calme toi, ça va passer bientôt », lui répond sa génitrice.
22h34. La parturiente qui était couchée sur la table depuis 20h y est toujours. Elle n’a pas encore accouché. « Vous accouchez combien de femmes par jour dans cette maternité ? ». Question de l’auteure de ces lignes à une sage-femme. Elle écarquille les yeux et répond : « Mais c’est beaucoup ». 10, 20, ou combien ? « C’est souvent plus que ça, en fonction des périodes. Il y a une forte affluence courant le mois d’août, de septembre et d’octobre. On peut donc accoucher près de 30 femmes par jour », explique la sage-femme.
Quid des césariennes ? La jeune sage-femme indique qu’elles sont nombreuses et très fatigantes. « Les interventions sont très souvent contraignantes. Elles sont quelque fois très inquiétantes », souligne-t-elle.
00h42. Les nouvelles parturientes sur leur lit d’hospitalisation prennent soin de leur nouveau-né. Celles couchées dans les allées attendent également leur tour. Quant aux occupants du hall d’attente, ils ont rejoint les bras de Morphée.
« Il a juste pu lui dire : Courage ma chérie, je te sortirai de là»
« Il y avait pourtant des poches de sang disponibles ce jour. Mais la femme a rendu l’âme sous le regard impuissant de son époux. Son alliance d’or brillait comme un diamant. Couchée sur le lit d’hôpital, elle ne voulait que parler à son époux », explique un agent de santé, visiblement abattu par cette histoire.
Un jeudi du mois de novembre 2017, une jeune dame qui venait d’accoucher a perdu beaucoup de sang. Elle a été très vite amenée au bloc opératoire au centre médical avec antenne chirurgicale pour des soins. Le temps qu’elle soit prise en charge, la jeune dame avait déjà les veines bouchées. Et elle s’en est allée.
Si les poches de sang étaient disponibles ce jour, il n’est pas le cas tous les jours. L’agent de santé confie qu’il y a des jours où il en manque énormément. « Il faut souvent faire appel à Yalgado pour avoir les poches de sang », confie-t-il. A cela s’ajoute l’indisponibilité de l’ambulance. Quelque fois, explique l’agent, « nous sommes en manque d’ambulance et il est très difficile d’envoyer les patientes en urgence à Yalgado ».
« Un cas s’est produit par exemple à la maternité de Kossodo », explique l’agent. Une dame était arrivée pour accoucher, mais le bébé était déjà mort dans son ventre. Les agents de santé ont pu extraire le mort-né, mais la dame saignait abondamment.
Il fallait l’amener en urgence à Yalgado, mais il n’y avait pas d’ambulance. C’est une sage-femme qui a dû l’amener dans son véhicule mais elle a malheureusement rendu l’âme parce que comme elle, beaucoup d’autres femmes attendaient en urgence.
B.K
Cette odeur à la maternité de Yalgado
Le lendemain samedi 16 décembre, Hôpital Yalgado Ouédraogo. Une autre maternité.
C’est une odeur nauséabonde qui accueille au seuil de cet établissement public. Dans le couloir d’accès à la salle d’accouchement, des femmes sont assises et/ou couchées avec leurs nouveau-nés à même le sol.
« Elle saigne, elle saigne », alerte une sage-femme. L’une des parturientes, qui tenait son bébé, saignait beaucoup. Elle est vite entrainée dans la salle pour recevoir des soins.
« Il faut des poches de sang », clame une sage-femme. Les accompagnants accourent de partout jusqu’à l’obtention du sang.
Ailleurs. A l’entrée d’une salle, on peut lire : « accès interdit sans blouse ». Autrement dit, « l’accès n’est possible qu’aux agents de santé ». Mais le constat est tout le contraire. On peut y entrer sans porter le fameux vêtement.
Les curieux pourront même voir les femmes en train d’accoucher. « Wouhiiii, Wahiiiii, pardon pardon, doucement ! ». Est-ce un accouchement ? Son accompagnant confie qu’il s’agit d’un curetage.
Il est 1h du matin et les six tables d’accouchement sont toujours toutes occupées. 1h24. On attend les cris d’un bébé. Un nouveau-né venait d’arriver sur terre.
Bassératou KINDO
Quid de la gratuité des soins ?
«Beaucoup de patients sont souvent surpris lorsqu’on leur tend des ordonnances avant ou après l’accouchement. Alors que ce n’est pas tous les produits qui sont gratuits », informe un agent de santé. Et un accompagnant de répliquer que «même les produits qui sont gratuits ne sont souvent pas disponibles ».
Gratuité des soins, manque d’ambulances : Le ministre de la santé répond
Mousso News
Le problème de gratuité des soins se pose avec acuité dans les formations sanitaires au Burkina. Et le ministre de la Santé, Nicolas Méda, de rassurer lors d’une émission télé, que courant le premier trimestre de 2018, l’ensemble des produits seront disponibles.
B.K