“C’est un caprice de grossesse qui m’a amené à entreprendre dans la boucherie” Jédidia Dabiré/Tankoano
Dans la capitale ouagalaise, Jédidia Dabiré/Tankoano, titulaire d’un Master en Communication entreprend dans le domaine de la boucherie depuis quatre ans. Abats et viande fraîche sont les deux principaux produits que la jeune dame propose au quotidien à sa clientèle. Rencontre.
Il est 4h du matin, le jour distille ses premières lueurs, c’est le moment pour Jédidia Dabiré/Tankoano d’être au four et au moulin. Dès le réveil, la jeune femme mère de deux enfants s’active à la préparation du petit déjeuner avant de prendre la direction de l’abattoir pour se procurer de ses deux produits majeurs: l’abats et la viande rouge.
Dynamique et polyvalente, la jeune maman, une fois marchandise en main rejoint son foyer pour s’occuper de ses enfants et les conduire à l’école avant de se rendre à sa boutique pour satisfaire sa clientèle.
Au quotidien elle se rend à l’abattoir pour se procurer ses deux principaux produits qui se présentent sous deux volets. Il s’agit de se procurer des abats frais du jour composé de boyaux, de foies, de cœurs, langues, les pattes et les têtes qui vont par la suite être nettoyés et lavés soigneusement et le volet viande fraîche qui consiste à découper la viande fraîche du jour qui est mise à la disponibilité de la clientèle.
D’un caprice de grossesse à une entreprise de produits frais
Née d’un caprice de grossesse, Jédidia Dabiré/Tankoano a décidé d’entreprendre dans l’univers de la boucherie. Etant enceinte, la jeune future maman a ressenti l’envie d’une soupe de tête de mouton. Très rapidement, elle s’est mise à la recherche de la tête de mouton dans les marchés et sur les réseaux sociaux sans succès. Mais, une fois l’envie satisfait, elle décide donc d’entreprendre dans ce domaine pour mettre ces produits à la disposition des femmes enceintes et de la population en générale. « Cette activité est née d’une envie de grossesse. J’ai eu envie de manger de la soupe de tête de mouton sans succès. Lorsque j’ai pu en trouver je me suis dit qu’il y a aussi des femmes dans mon cas qui en cherchent en vain et c’est ainsi que j’ai décidé d’en proposer sur les réseaux sociaux et l’aventure continue depuis 2020 », confie-t-elle.
La jeune maman précise vendre que des produits du jour pour une plus grande satisfaction et fidélisation de ses commandes. Elle informe qu’une fois à l’abattoir, elle s’intéresse aux produits d’origines animales du jour (NDLR : les produits des animaux abattus le même jour) qui est sa façon singulière de réaliser son rêve de devenir médecin. « Quand j’arrive à l’abattoir, je priorise toujours les produits du jour. Etant enfant et fille d’un vétérinaire, je rêvais de devenir médecin. N’ayant pas pu le devenir, j’ai décidé de soigner les populations à ma manière en leur fournissant des produits d’origine animales bio et frais pour contribuer sainement à ce qu’elles mangent », raconte la jeune bouchère toute fière de son activité.
Contractions et satisfaction de la clientèle
Faire plaisir aux clients, les voir satisfaits de leurs produits est l’une des priorités de Jédidia. L’envie de ne pas décevoir sa clientèle est tellement forte que la jeune maman se rappelle de ce jour 15 juillet 2020, jour de son accouchement ou les contractions et les commandes ne faisaient qu’un. Ses contractions débutent, en effet, aux environs de 4h du matin mais elle en fait fit afin de satisfaire sa clientèle. « Je voulais à tout pris satisfaire ma clientèle car je me disais que si je ne parvenais pas à le faire ce jour, il me serait difficile de le faire après car le bébé sera déjà là. Je suis donc allée chercher mes produits comme d’habitude et j’ai procédé au nettoyage et à la livraison. Par la grâce de Dieu tout s’est bien passé et dans la soirée j’ai accouché », relate-elle.
La jeune femme de retour de l’abattoir devait dominer les signes que lui faisait ressentir son bébé prêt à venir au monde, pour nettoyer les abats. Ses contractions de plus en plus intenses la sonnaient d’abandonner mais la satisfaction de sa clientèle était plus fort et lui procurait l’énergie nécessaire pour terminer le plus tôt le nettoyage et la découpe. « Ce n’était pas simple mais Dieu merci aux environs de 11h j’ai terminé le nettoyage des abats et la découpe de la viande. Et grâce aux services de livraisons avec lesquels je travaille, toutes les commandes ont été honorées. J’ai finalement pu accoucher dans la même soirée », explique-t-elle.
Tous ébahi de la situation, certains clients n’en revenaient pas, qu’elle puisse malgré son état honorer leurs commandes. « Le lendemain 16 juillet 2020, une des clientes m’a contacté pour me traduire sa satisfaction et j’en ai profité pour lui annoncer la naissance de mon fils. Tellement surprise, elle ne s’en revenait pas et pour vraiment être sûre elle s’est même déplacée jusqu’à la maison et depuis lors, elle ne cesse de me recommander et est l’une de mes clientes les plus fidèles », confie-t-elle.
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« Le matériel adéquat me fait défaut »
Comme toute entreprise, Jédidia rencontre un certain nombre de difficultés dans l’exercice de sa profession. Il s’agit notamment du manque de matériels adéquats pour la découpe de la viande ainsi que sa transformation en viande hachée. Elle fait cependant usage des moyens de bords et de la découpe traditionnelle pour honorer ses commandes. « Je n’ai pas assez de moyens financiers pour acheter le matériel adéquat notamment ceux de la découpe. Je me débrouille avec le matériel de base à savoir la machette et le couteau. Mais il existe des machines adaptées pour la découpe de la viande et aussi pour la transformation de celle-ci en hachée », explique-t-elle.
A cette difficulté s’ajoute le manque de main d’œuvre qui ne lui rend pas la tâche facile. « Tous les collaborateurs que j’ai eu ne restent pas longtemps. Ils disent que le travail est salissant car il faut nettoyer les boyaux de leurs déchets et se plaignent des mauvaises odeurs. Du coup je suis obligée de tout faire seule », fait-elle savoir.
Il y a aussi le problème de disponibilité de produits frais dans les abattoirs. Les vendeurs ont tendance à me proposer des invendus de produits de la veille en précisant n’avoir pas abattus de nouveaux animaux pour stock non écoulé. Face à cette situation la jeune femme retourne bredouille et ne parvient pas à satisfaire ses commandes. « Il y a des jours ou je ne vends pas car je n’ai pas eu de produits frais. Quand j’arrive à l’abattoir il se trouve que les vendeurs n’ont pas abattus d’animaux et veulent souvent me vendre les abats et la viande qui a fait au moins deux jours sans être écoulés. Je refuse donc d’en prendre et j’explique aux clients n’avoir pas eu de produits frais », explique-t-elle.
Une clientèle satisfaite
Le secteur d’activité de Jédidia a su séduire plus d’uns sur les réseaux sociaux. Victorine Sabané a connu Jédidia sur les réseaux sociaux lorsqu’elle était à la recherche de carcasse de mouton pour l’anniversaire de sa mère. « Je recherchais quelqu’un qui pouvait me fournir de la carcasse de mouton pour l’anniversaire de ma mère dans un délai court. N’en connaissant pas j’ai donc décidé de faire un post sur Facebook et beaucoup me l’on recommandé. J’ai fait appel à ses services et j’avoue que grande a été ma satisfaction. Très courtoise, elle sait rassurer sa clientèle et fait du bon boulot », dit-elle.
Herman Tindano est l’un des clients fidèles de Jédidia. Il confie faire ses provisions en matière de viande et boyaux avec la jeune maman. Il avoue apprécier sa ténacité et son courage à entreprendre dans cet univers quasi masculin. « Je fais mes achats avec elle car elle est très professionnelle et avec elle on a l’assurance d’avoir des produits de bonne qualité. J’apprécie surtout son courage et sa force ».
Très ambitieuse elle nourrit le rêve d’agrandir son activité afin d’être son propre fournisseur pour mieux impacter son univers.
Mireille Sandrine Bado/MoussoNews