Coupure d’eau : Des robinets  »muets » dans certains quartiers de Ouagadougou

« Ah y’a pas l’eau. C’est quel quartier même où on coupe l’eau tous les jours ? ». C’est ainsi le quotidien des habitants de certains environs de Ouagadougou. Gounghin, Nagrin, Kalgondin, ces interruptions incessantes, constituent un défi pour ces populations qui, sont contraint de trouver des solutions alternatives pour leurs besoins.

Les coupures constantes d’eau sont devenues une réalité quotidienne dans certains quartiers de Ouagadougou. Dans ces zones, les robinets du branchement de l’Office National de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA) restent muets pendant des heures souvent des jours.

A Nagrin, l’eau coule au robinet qu’à des heures tardives de la nuit et de courte durée. Tard donc la nuit ou très tôt le matin. Pour espérer remplir leurs récipients d’eau, la plupart des résidents restent éveillés jusqu’à 1 heure du matin. C’est le cas Aziz Bambara, qui dès 23 heures commence à scruter la tête de son robinet espérant voir l’eau jaillir.  

A l’entrée du domicile de Aziz, le robinet se trouve à l’angle droit non loin de son comptoir d’ONEA. La tête du robinet, entubé par un tuyau vert est usée par les manipulations répétées. Sur sa terrasse, est déposé un fût vide de couleur marron et 2 bidons de 20 litres, qui attendent d’être rempli d’eau. Et 2 autres récipients sont dans le coffre de sa voiture.

En cas de coupure d’eau, Aziz Bambara se fait livrer une barrique d’eau ou se ravitaille dans son service situé à Ouaga 2000. « Je ne suis pas à la maison dans la journée. Donc en allant au travaille, je prends toujours 2 bidons de 20 litres que je remplis au cas où je ne pourrai pas avoir de l’eau au cours de la nuit lorsque je rentre », indique-t-il.

« A Nagrin dans la journée, il n’y a pas d’eau… L’ONEA pense que nous sommes des noctambules… »

Plus loin dans le même quartier, Mira vit la même situation. Bidons de 20 litres sur sa moto, la jeune femme se rend à la fontaine pour recueillir de l’eau accompagné de son frère. Chez elle, elle n’insiste plus à guetter on robinet lorsqu’elle constate que l’eau ne jaillit pas. La fontaine étant situé à quelques mètres de sa maison, Mira s’y’ rend et prend le rang la veille. « Nous sommes tellement habituées aux coupures d’eau que lorsque nous passons 2 à 3 jours sans interruption, nous nous posons des questions », lance-t-elle ironiquement.

A en croire Mira, il n’y a majoritairement pas d’eau dans leur zone dans la journée. L’eau vient tard la nuit et à partir de 6 heures du matin, les coupures reprennent. « L’ONEA pense que nous sommes noctambules et qu’il faut rester éveiller toute la nuit à guetter l’eau au robinet », grogne-t-elle.

Elle informe qu’en cas de coupure d’eau, généralement, les habitants prennent un rang la veille à la fontaine. Ils alignent les bidons, les futs, les barriques et à 4 heures du matin, ils retournent récupérer leurs récipients pleins d’eau.  

Pour éviter le long fil d’attente ou de prendre le rang la veille, la plupart du temps, Mira se ravitaillent en ville ou dans son université. « Une fois, nous avons fait 3 jours sans eau et le rang à la fontaine était tellement long que nous avons dû payer des packs d’eau pour nous laver », se remémore -elle en réaffirmant qu’il n’y a jamais d’eau dans le quartier dans la journée.  

Des fontaines d’eau ou des forages, point de ravitaillement pour des populations

Les témoignages de ces habitants révèlent constamment leur frustration croissante face à l’inefficacité des services publics, qui peinent à résoudre ce problème récurrent.

Issaka Zoungrana dit Vié est propriétaire d’une fontaine d’eau à Gounghin depuis plus de 10 ans. Son visage et ses mains marquées par le temps, montrent qu’il a passé des années à ravitailler la population en eau.

Selon ses témoignages, le quartier Gounghin rencontre les mêmes problèmes d’eau que Nagrin. « Ici, nous avions un sérieux problème d’eau. Quand ça se coupe dans la journée, c’est à 01h voir 2h du matin que ça revient. Et à partir de 5h ça se coupe encore », révèle-t-il. Il informe qu’en cas de coupure d’eau dans le quartier, des habitants les lui laissent leurs récipients et il se charge de les remplir avant de fermer sa fontaine à 18h. Cependant lorsqu’il est concerné par cette rupture, il n’a que le choix que de rester aux aguets.

« Au moment où il n’y avait pas de coupure incessante d’eau, je prenais la barrique à 300f maintenant elle est à 1000 FCFA… »

Holy habite à Gounghin et vend de la glace d’eau. Il est 5 heures du matin, Holy se met en route pour aller chercher de l’eau dans une fontaine. 2 bidons attachés derrière sa moto, elle roule à vive allure pour ne pas être dans un long rang.

La jeune femme vend de la glace d’eau et est obligée de se ravitailler dans les fontaines ou dans les forages afin de faire vivre son commerce. A l’en croire, au moment où les coupures d’eau n’étaient pas fréquentes, la barrique d’eau était vendue à 300 FCFA ; mais actuellement elle est à 1000 FCFA.

« Ah y’a pas l’eau. C’est quel quartier même où on coupe l’eau tous les jours ? »

A kalgondin, les résidents sont également habitués aux pénuries constantes d’eau. Il n’y a jamais d’eau dans la journée.

Chez Brenda, les robinets sont secs. Aucun bruit du métal ne resonne lorsqu’elle ouvre le robinet. Le sol en dessous est poussiéreux sans aucune flaque pour témoigner d’une vie aquatique. « Ah y’a pas l’eau. C’est quel quartier même où on coupe l’eau tous les jours ? », grogne-t-elle en refermant le robinet nerveusement. Elle se dirige dans sa cour espérant que le robinet du dehors ne soit pas aussi muet. Même constat ; il n’y’a pas d’eau. « Souvent l’eau se coupe dans la maison mais jaillit toujours au niveau du robinet du dehors », informe-t-elle. Elle n’a plus le choix que de servir dans sa réserve d’eau.

‘’des coupures d’eau liées à l’insuffisance d’eau produite, aux isolements pour les réparations de fuites…’’

Selon un agent de l’Office National de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA), les coupures d’eau incessante sont liées à l’insuffisance d’eau produite, aux isolements pour les réparations de fuites suite aux cassures des conduites provoquées par les travaux de la voirie. A l’en croire, l‘arrêt de la production pour la maintenance des équipements, le nettoyage des bâches et des châteaux d’eaux sont également des raisons qui justifient les coupures incessantes d’eau dans certains secteurs de la ville de Ouagadougou.

Pour réduire ces interruptions incessantes, il préconise que l’ONEA soit impliquée dans les travaux de voiries prévus. Aussi, il exhorte que la population soit sensibilisée au rationnement de l’eau en évitant le gaspillage. De plus, la capacité de production de l’eau doit être renforcée.

Annick HIEN/MoussoNews