De la lingerie sexy pour les femmes opérées du sein
Après sa maladie, Cécile Pasquinelli a créé la marque Garance pour les patientes ayant subi une ablation du sein.
Sur l’affiche, la mannequin est belle, la lingerie aussi. Rien ne permet d’imaginer que le soutien-gorge a été fait sur mesure pour une femme opérée après un cancer du sein. C’est pourtant le cas: la marque de sous-vêtements et maillots de bain Garance propose aux femmes ayant subi une mastectomie des vêtements glamour.
Cela peut sembler banal et pourtant celles qui sont passées par là savent que c’est loin d’être le cas. «Après une opération de ce type, il faut refaire toute sa garde-robe et prendre rendez-vous en orthopédie avec quelqu’un en blouse blanche pour s’équiper en vêtements adaptés au port d’une prothèse», rappelle Cécile Pasquinelli Vu-Hong, la fondatrice de la marque, qui garde un mauvais souvenir de ce parcours du combattant ne cessant de rappeler à la patiente sa maladie, à un moment où elle est précisément en train d’en sortir et de se reconstruire. Car les modèles médicaux proposés en circuits traditionnels, au look austère et vieillissant, ne sont pas particulièrement féminins.
70% des femmes opérées portent des prothèses mammaires
Or 30% des 50 000 femmes touchées par un cancer du sein chaque année subissent une ablation de cet organe (mastectomie) et 70% d’entre elles ne se feront pas reconstruire chirurgicalement. Ce qui fait qu’en France, 300 000 femmes portent des prothèses mammaires.
«Après mon cancer il y a sept ans, je voulais pouvoir acheter mes sous-vêtements où j’en avais envie, raconte cette femme coquette. Arrêtée pendant deux ans, j’avais du temps libre et après avoir été cadre dans le marketing pendant 17 ans, j’ai eu l’idée de lancer ma propre ligne de lingerie», raconte la fondatrice de Garance. Les produits sont non seulement confortables (sans armatures ni baleines pour éviter de blesser), plus couvrants que la moyenne (pour masquer les cicatrices), mais surtout plus mode que ce qui existe sur ce marché.
Les intéressées ne s’y trompent pas, comme Fabienne P. qui témoigne sur Facebook : « C’est grâce à Garance que j’ai l’impression d’être redevenue moi, celle d’avant le cancer… Avec votre marque j’ai redécouvert ce plaisir et le désir de séduction pour mon ami. C’est vital pour retrouver l’estime de soi. Merci de me donner une seconde chance d’être à nouveau moi ».
Des enseignes grand public comme la chaîne de magasins Monoprix
Il lui faudra deux ans pour monter son entreprise. À la différence des concurrents, elle ne se contente pas d’être commercialisée en milieu médical (chez des orthopédistes, à l’hôpital et en pharmacie) mais pousse aussi les portes des enseignes grand public, comme le site de commerce électronique La Redoute ou les célèbres Galeries Lafayette. Tout en étant commercialisée via son propre site Web, qui permet de véhiculer l’image et les valeurs de la marque et concentre aujourd’hui la majorité de ses ventes. Depuis septembre, sept grands magasins Monoprix, situés près de centres de lutte anti-cancer à Paris et en province, accueillent également la gamme, ce qui lui a permis de gagner en visibilité et de booster son chiffre d’affaires.
Ayant démarré en 2012 sur ses fonds propres, Cécile Pasquinelli, lauréate du Prix Rose de l’Entrepreneuse 2012, a rejoint l’incubateur social de l’Essec Antropia avant de procéder à sa première levée de fonds en juillet 2015. Soutenue par l’investisseur solidaire Garrigue, la start-up, qui a reçu l’agrément entreprise solidaire et sociale en 2016, a de nouveau levé 200 000 euros via la plateforme de crowdfunding dédiée aux projets solidaires 1001pact.com (rebaptisée depuis Lita.co).
Une styliste de choc avec Stella Cadente
La fondatrice de Garance a longtemps fonctionné entourée de bénévoles : la styliste Stella Cadente, rencontrée alors qu’elle présidait le jury d’un concours de stylisme organisé par les Galeries Lafayette et Garance ou encore Valérie, une ancienne malade, pour qui poser pour la marque était «une évidence». Aujourd’hui, Garance compte deux salariées et travaille avec trois prestataires extérieurs.
Grâce à Monoprix, les ventes, qui progressaient en moyenne de 20% par an, ont presque doublé en 2017 par rapport à 2016. « Si nous sommes présents dans cinq magasins Monoprix supplémentaires à la fin de l’année et continuons à nous développer avec l’enseigne en 2018, nous passerons l’an prochain à la vitesse supérieure avec l’international », assure Cécile Pasquinelli Vu-Hong. La marque, dont le site est accessible en anglais, a déjà des contacts avec des distributeurs en Russie, au Canada et aux Etats-Unis. Le mot d’ordre de Cécile Pasquinelli Vu-Hong, sept ans après avoir été diagnostiquée malade, n’a pas changé : continuer à avancer, toujours plus loin.
Par Caroline de Malet, Le Figaro (France)