Dr Léa Paré Toé : La voix des communautés dans la lutte scientifique contre le paludisme

Socio-anthropologue distinguée et récemment élevée au rang de Chevalier des Palmes Académiques, le Dr Léa Paré Toé harmonise science de pointe et connaissances locales dans la bataille contre le paludisme au Burkina Faso. Portrait d’une chercheuse qui redéfinit les frontières entre laboratoire et communauté.

Dans les couloirs de l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS) à Bobo-Dioulasso, le Dr Léa Paré Toé, maître de recherche, incarne une nouvelle génération de scientifiques africains. Après avoir obtenu son doctorat en anthropologie et sociologie de l’Université d’Aix-Marseille, elle a développé un intérêt marqué pour la recherche sur le paludisme d’un point de vue anthropologique, forgeant une carrière exceptionnelle dans l’analyse socio-anthropologique des problématiques de santé en Afrique.

Auteure prolifique depuis 2000, elle s’est particulièrement intéressée aux représentations sociales du paludisme et à leur impact sur l’acceptation des innovations scientifiques et technologiques. Ses travaux ont mis en lumière l’importance cruciale d’anticiper la recherche fondamentale en étudiant les perceptions, attentes et contraintes des populations concernant l’adoption des résultats de la recherche.

En tant que responsable de l’engagement des parties prenantes de Target Malaria Burkina Faso, elle occupe une position cruciale dans un projet ambitieux. Target Malaria, consortium international de recherche, développe des technologies génétiques pour combattre le paludisme, notamment l’impulsion génétique – un mécanisme naturel permettant de modifier génétiquement les moustiques pour réduire leur capacité à transmettre la maladie.

« Les recherches démontrent que les femmes reçoivent généralement des subventions de recherche moins importantes, ont des carrières plus courtes et moins rémunérées, et sont sous-représentées dans les revues de haut niveau ainsi qu’aux postes de direction« , observe-t-elle, soulignant les défis persistants dans le monde scientifique.

Pionnière dans l’étude des technologies génétiques du point de vue des communautés locales, elle a développé une approche unique d’engagement communautaire dans les sites de recherche que sont les villages de Bana et Souroukoudinga mais également au niveau des différentes régions du pays. Son travail orchestre un dialogue constant entre chercheurs et populations locales focalisé sur  la démystification de la science et l’appropriation réelle de la science par les bénéficiaires des résultats  de la science.

Son travail précurseur dans l’adaptation des concepts scientifiques complexes aux réalités locales et son engagement sans faille lui ont valu plusieurs reconnaissances prestigieuses : le prix « Women in Vector Control » en 2022, puis plus récemment en décembre 2024, l’élévation au rang de Chevalier des Palmes Académiques, couronnant des années de dévouement à la recherche et à l’engagement communautaire. « C’est avec une immense fierté et beaucoup d’humilité que j’ai reçu cet honneur », confie-t-elle. « J’espère qu’il sera aussi une invitation et un encouragement pour nos jeunes, en particulier les filles qui voudraient embrasser une carrière scientifique. Les domaines de la science et de la recherche ont besoin des femmes, et cela est particulièrement vrai en Afrique où le leadership féminin doit être encouragé dans tous les domaines de la vie sociale et économique. » Cela est d’autant vrai que la plupart des défis sanitaires ont un visage féminin, le paludisme en est un exemple où la majorité des victimes sont des enfants et des femmes. 

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Le Dr Paré a développé des méthodes dynamiques pour rendre la science accessible : une terminologie adaptée, des supports visuels attrayants, et des ressources éducatives en langues locales. Son objectif ? Permettre aux communautés de comprendre et de participer activement aux décisions qui les concernent. La série vidéo « Voix du terrain » qu’elle a initiée illustre parfaitement cette démarche, donnant la parole aux communautés pour partager leur expérience du paludisme et leur vision du projet.

Cette vision d’une science inclusive et ancrée dans les réalités locales prend une résonance particulière dans le contexte actuel. Le Dr Paré Toé démontre qu’excellence scientifique et engagement communautaire ne sont pas incompatibles, mais au contraire se renforcent mutuellement. Son parcours inspire une nouvelle génération de scientifiques burkinabè et africains, particulièrement les jeunes femmes, à repousser les frontières de la recherche tout en restant profondément connectés aux communautés qu’ils servent.

Correspondance particulière

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