Entrepreneuriat communautaire: Des femmes PDI à la charge des hommes

A Ouahigouya, une des régions touchées par les déplacements internes, des femmes font preuve de résilience et d’un esprit d’entreprise remarquable dans la communauté. Dans ce contexte où les opportunités d’emploi sont rares, elles se distinguent par leurs initiatives variées allant de l’agriculture au commerce divers.

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Des hommes PDI sous un arbre.

Sur le site  »Ilman Sani » du secteur 1 de Ouahigouya, des tentes de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) se font visiblement remarquer. Des fagots de bois par ci, des petits jardins par-là, c’est le nouveau quartier des déplacée interne de Douma. Au centre de ce site, se trouve un grand arbre sous lequel, les hommes sont couchés toutes les journées tandis que les femmes se font rares dans la cour. Les unes vaquent aux occupations domestiques et les autres sont dans les rues pour chercher leur pitance quotidienne.

Des femmes à la charge des hommes.

Sur ce site de déplacés internes et la grande majorité de ceux de Ouahigouya, les femmes PDI se révèlent être des piliers essentiels pour subvenir aux besoins de leur famille. Au cœur des défis posés par les déplacements internes, elles se lancent dans des activités variées pour survivre contrairement aux hommes qui, peinent à trouver un emploi. Ils préfèrent rester sur les sites que de sillonner les villes pour des activités à maigre revenu. Ils sont pris en charge par leurs femmes et mettent en lumière leur rôle crucial dans l’économie local.

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Ousseni Sawadogo, PDI.

Ousseni Sawadogo, 76 ans est le plus âgé de ce site. Depuis 2 ans, les hommes de ce site n’arrivent à mener aucune activité. « Toute la journée nous sommes ici sous cet arbre. Les femmes trouvent facilement des boulots. Nous hommes, pères de famille, nous ne pouvons pas aller faire un boulot toute une journée pour avoir 500 FCFA. Pourtant les femmes, elles, même si c’est 500 FCFA, elles acceptent car c’est uniquement pour résoudre un souci à la maison. Mais avec 3 femmes, un homme ne peut pas accepter ce type de boulot, ça ne rapporte pas, c’est une sorte de perte de temps car on ne peut pas acheter un sac de mil, ça ne peut pas résoudre un sérieux problème » explique-t-il d’un air sérieux et inquiet.

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Awa Ouédraogo, cultivatrice.

Awa Ouédraogo, mère de 7 ans incarne la force de l’agriculture. Ses mains et poignées sont durcies par les travaux champêtres. Agricultrice depuis sa zone d’origine, le Douma, Awa poursuit son activité de cultivatrice à Ouahigouya. Elle s’est achetée une daba et chaque matin, après ses travaux domestiques, elle arpente les champs et propose ses talents aux propriétaires.  « Je tourne dans les champs et je demande aux propriétaires si je peux les aider à cultiver. Souvent, je sors avec certains de mes enfants » lance-t-elle d’une voix sèche. Pour une petite portion de terre, Awa gagne par moment 500 FCFA à 1000 FCFA journalièrement. « Il y a des jours aussi que je ne gagne rien. Je peux tourner mais on ne me donne pas de terre à cultiver », poursuit-elle tristement. Depuis 2 ans, Awa nourrit sa famille grâce à ses services de cultivatrice ambulante.

‘’La vie à Ouahigouya m’enseigne beaucoup…’’ 

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Fatoumata Sawadogo vendeuse de bracelets en perle.

Pareillement à Awa, Fatoumata Sawadogo, tente au quotidien de survivre grâce au commerce de bracelets en perle. Agée de 47 ans, Fatoumata est mère de 7 enfants ; mais au grand cœur, elle a accueilli et prend en charge un orphelin comme son enfant.  Vendeuse de bracelets à perle, elle sillonne les rues de Ouahigouya, assiette sur la tête. « Nous sommes venues à Ouahigouya, nous avons tout vu nous avons compris la vie. De là où je viens, nous faisions uniquement de l’agriculture. Si par miracle la situation se rétablit et que nous retournons chez nous, je vais intégrer le commerce dans mes activités. La vie à Ouahigouya m’enseigne beaucoup », Accentue-t-elle difficilement.

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Adjara Sawadogo, vendeuse de savon, de sel et de sucre.

Adjara Sawadogo, de son côté vend du savon, du sel de cuisine et du sucre pour subvenir aux besoins de ses 6 enfants et de son mari. Agée de 37 ans, elle se ravitaille chez les boutiquiers de son quartier à qui, elle prend ses produits à crédit. Une fois ses ventes réalisées, elle règle sa dette auprès de ses fournisseurs et garde les bénéfices. Elle compte également intégrer le commerce dans ses activités si elle retourne dans sa zone d’origine « Je prends avec des boutiquiers qui acceptent me les donner à crédit et une fois la marchandise écoulée, je les rembourse. Je n’ai rien à leur donné en garantit. Je leur demande tout simplement de me faire confiance et de ne compter que sur ma parole », indique-t-elle en souriant.

Lire aussi: Résilience de déplacées internes : Nioula Noumpoa et Mélanie Sawadogo se relèvent – Mousso News

‘’Je compte abandonner, j’ai trop de crédit. Je n’arrive pas à faire beaucoup de bénéfice…’’

Contrairement à la plupart des PDI qui disposent de divers traitements favorables de l’Action Humanitaire, l’Action sociale et autres ONG, certains PDI n’ont pas eu cette chance de bénéficier gracieusement de vivres alimentaires, de soins sanitaires…C’est le cas de Bibata Sawadogo. Agée de 70 ans, Bibata Sawadogo est veuve depuis 1 an et vit au secteur 1 de Ouahigouya où, une bonne volonté leur loge dans une de ses concessions. La vente de beignet de farine de haricot est l’activité qui lui permet de prendre en charge ses 6 enfants. Dans cette ville hôte, Sawadogo s’est auto formée dans la vente de beignet. Ne faisant pas de bonne affaire, elle compte abandonner au profit d’une autre activité de subsistance. « Je compte abandonner, j’ai trop de crédit. Je n’arrive pas à faire beaucoup de bénéfice. De plus, les céréales, l’huile et autres sont chères. Je vais laisser tomber et chercher à faire autre chose », envisage-t-elle.

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Bibata Sawadogo, déplacée interne à Ouahigouya, vendeuse de beignets.

Ces femmes PDI tracent un chemin d’espoir au sein des contextes marqué par l’adversité.

Dao Adama Ouédraogo, l’unique homme PDI qui se démarque des autres sur l’un des sites.

Sur le site du secteur 1 de Ouahigouya, Dao Adama Ouédraogo est le seul homme PDI qui se distingue des autres. Agé de 51 ans, Dao Adama vit et nourrit sa famille de sa plantation d’arbres. Engagé dans l’environnement depuis sa localité d’origine, Dao Adama poursuit sa passion pour le reboisement. Au sein du site, non loin d’un puit de l’Action Humanitaire, Adama a aménagé un petit espace où il a plus d’une vingtaine de pépinière. Il plante du manguier, du citronnier, du cacao et plusieurs types d’arbres qu’il revend. Au cours de la journée, le cinquantenaire, sillonne les quartiers avec quelques arbres en main qu’il vend à partir de 1500 FCFA l’unité. « Je considère l’arbre comme mon champ même si les gens n’achètent pas souvent. En matière d’argent, je ne me plains plus depuis que j’ai recommencé mon activité ici à Ouahigouya. C’est très rentable » souligne-t-il fièrement en regardant ses arbres.

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Dao Adama Ouédraogo.

Selon des statistiques de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), la crise sécuritaire a entrainé de déplacements massifs de population soit environ 1 999.127 PDI à 2 .062.534 entre février 2023 et le 31 mars 2023. Dans la région du Nord précisément, la ville compte 254 689 entre février 2023 et 256 060 en mars 2023.

Annick HIEN/MoussoNews

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