Femme et monde rural
J’ai appris très tôt qu’être seule et unique femme dans un lieu n’est pas facile. Déjà au cycle ingénieur je me suis retrouvée seule fille de ma classe, il a fallu se montrer plus forte ou au moins montrer qu’on a les mêmes capacités que les garçons ; ça ne fut pas facile mais ce fut enrichissant, parce que je ne savais pas que j’étais doté de telles ressources (compétitivité, détermination, courage) bon j’arrête de me lancer des fleurs, mais sincèrement je ne savais pas que cette expérience allait m’être utile dans ma vie professionnelle. En effet après le concours et affectation je me suis retrouvé ingénieur agronome femme dans la région du nord ; déjà que je ne suis pas passé par les « seules » écoles connues au Faso, imaginé la tête des gens quand tu dis :je viens du Mali ; bref je m’y suis faite.
Mais mon constat est que pour une femme c’est difficile de faire son travail surtout en zone rurale. Nos paysans sont toujours dans la logique homme domine la femme, alors qu’avec l’école on nous a appris homme=femme ou plutôt femme=homme ; là-bas c’est l’homme qui parle et donne la permission a la femme de parler. Et moi j’arrive là-bas (en 2015) avec pour objectif de superviser une activité socio-économique ; dans mon équipe j’étais la seule femme (mais comme dit plus haut j’y suis habitué) on descend du véhicule on part vers les paysans pour les saluer, je ne vous dis pas ; ils ont pris le soin de saluer tous les hommes d’abord ensuite moi et certains même ne m’ont pas tendu la main. Les questions ne m’étaient pas adressée directement mais plutôt a mes collaborateurs, mais j’en ai pris mon parti ; au début ça m’énervait, mais j’ai compris que c’est la tradition qui prime toujours en milieu rural malgré l’avènement du 21 e siècle.
Une autre fois (2017) j’étais en prospection pour les nouveaux bas-fonds c’est à dire voir si les superficies visitées peuvent être aménagés en bas fond, dans la causerie un collègue m’a dit quelque chose et j’ai fait tchourrr avec la bouche, je ne m’en suis même pas rendu compte, c’est quand j’ai entendu un paysan dire qu’il ne peut pas gifler la femme là pour quelle sache qu’on ne parle pas ainsi à un homme que j’ai réalisé qu’on parlait de moi. Après ces 2 expériences quand je pars sur le terrain je fais attention à mes faits et gestes ; d’ici-là qu’on me gifle vraiment. C’est en 2018 en faisant le terrain que j’ai été agréablement surprise, en effet j’ai vu une femme avoir sa propre parcelle de terre, ses équipements si petits soit-il, son champ pourrait rivaliser avec celui des hommes et l’emporter haut la main. J’ai vu là un signe, une preuve qu’il y a un changement dans l’air.
Par contre dans le milieu professionnel ou semi moderne si voulez, la culture déteint sur les femmes, on n’a peur de prendre la parole ou on se dit qu’on ne sera pas écouté, bref le plus souvent les femmes n’osent pas prendre la parole, elles n’osent pas s’affirmer, ce n’est pas toutes les femmes mais elles sont peu nombreuses celles qui osent s’affirmer. D’ailleurs j’en fait partie ; mais comme on le dit soyons le changement que nous voulons.