Homosexualité au Burkina : confidences d’une vie de lesbienne en cachette (1re Partie)

Vivre son homosexualité n’est pas chose aisée, notamment en Afrique. Au Burkina Faso, HGR (nom d’emprunt), est une lesbienne de 24 ans. Au quotidien, elle affronte cette difficulté d’exprimer librement son orientation sexuelle qu’elle dit avoir comprise depuis son jeune âge. N’ayant d’attirance que pour les femmes, elle entretient, mais en cachette, une relation amoureuse avec une autre femme, tant la société est réfractaire à l’homosexualité. Pourtant, témoigne-t-elle : « Il y a plein de femmes, même mariées, qui sont lesbiennes au Burkina ». Confidences !

Difficile d’aborder le sujet à la maison. Dans un quartier de la capitale Burkinabè où vit HGR, seule sa mère est au courant de son orientation sexuelle. « Le jour que papa va l’apprendre, je serai morte », confie la jeune fille, l’air embarrassée. Il faut trouver un autre endroit, très loin de la maison pour répondre à nos questions. Le rendez-vous est pris, en cette soirée du 27 juin 2022, dans un cadre assez discret. Pantalon jean, polo et casquette sur la tête, HGR a tout pour être un garçon. De loin et de dos, on aurait parié qu’il s’agit d’un jeune homme.

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Image illustrative

Tournant les pouces en racontant son histoire, la jeune fille trouve son attirance pour les femmes assez complexe à expliquer. C’était, se rappelle-t-elle, depuis l’enfance. Avec un petit frère et deux cousines, ils aimaient jouer dans une maison inachevée, près de leur domicile. Une fois à l’intérieur de cette maison, les enfants descendaient leurs caleçons pour voir leur sexe et se toucher. A chaque fois, HGR ne touchait que les sexes de ses cousines. Ayant remarqué cette attirance, son frère a informé leur mère qui l’a grondée et même frappée. « Ma mère m’avait dit que deux filles ne font pas ce que nous faisons », se souvient-elle. Pourtant c’est encore arrivé, quelques années plus tard, avec une autre. C’était, raconte HGR, en période de chaleur, quand une proche de la famille, en séjour à la maison, devait partager le lit avec elle. « Je ne sais pas si elle faisait des attouchements avec d’autres femmes, mais elle m’a touchée et moi aussi. Depuis cet âge, je crois que j’étais en classe de CM1, je n’ai eu des relations sexuelles qu’avec des femmes », confie HGR qui, l’air navrée, dit accepter les invitations des garçons, mais peine à avoir des relations intimes avec eux.

Les Yossi et les Troussou

A entendre HGR, dans la communauté des homosexuelles lesbiennes au Burkina Faso, il y a celles qu’on appelle les Yossi et celles qu’on appelle les Troussou. Les Yossi sont considérées comme des garçons et les Troussou, des femmes. HGR est Yossi et s’habillant comme un garçon, elle se sent dans la peau de l’homme. Celle qui dit avoir une copine avec qui elle est en relation depuis 2 ans, avoue aussi entretenir des relations extra. « Je me considère comme un garçon. Il arrive donc qu’on ait d’autres relations extra, mais chaque fois, je précise à mes conquêtes que j’ai une copine que j’aime bien », raconte la jeune, visiblement heureuse. Comme dans les relations hétérosexuelles, il arrive parfois que les Troussou aient le cœur brisé par les Yossi, confie HGR.

Quid des menstrues ?

GHR soutient voir régulièrement ses règles mais elles lui semblent complexes. « Je ne sais pas si c’est mon côté homme ou si c’est une maladie ou encore si cela est dû au sport, mais mes règles ne durent que 48h, voir 24h. Elles sont pourtant très régulières. Et même la couleur n’est pas comme ce que je vois chez les autres femmes », explique la jeune fille qui n’a jamais consulter un spécialiste pour en avoir le cœur net.

Les lieux de rencontre

A Ouagadougou, raconte HGR, il n’y a pas d’endroit précis de fréquentation des homosexuelles notamment les lesbiennes. Elles sont dans la rue, les boites de nuits, les maquis … et la jeune fille confesse ne pas passer par quatre chemins lorsqu’elle est intéressée par une fille. « Quand je vois une fille qui me plait, je ne passe pas par quatre chemins. Je ne demande pas son numéro. Je lui donne mon numéro et l’invite à entrer en contact avec moi si elle est intéressée. Mais je passe par la technique d’amitié d’abord. Presque la majorité des filles sont lesbiennes ou bisexuelles », dit-elle. Il arrive que les Yossi ne drague même pas parce qu’elles sont assez connues de par leur habillement. Ce sont donc des filles qui viennent vers elles. Et HGR confie être fréquemment courtisée. « En boite de nuit, elles te poursuivent même. Surtout quand tu pars dans les toilettes des femmes bien évidemment. Malgré tout, il faut s’asseoir pour uriner même si on est Yossi », explique-t-elle.

Des groupes de mise en relation

Au Burkina Faso, informe HGR, des groupes de médias sociaux de mise en relation existent et marchent bien. Beaucoup de filles sont lesbiennes pour se faire de l’argent, témoigne-t-elle. « Il y a des femmes qui sont prêtes à donner de l’argent pour des parties. Elles sont capables de te prendre en charge en te payant des habits, ton argent de poches, etc. », ajoute-t-elle. Elle dit avoir vécu l’expérience mais l’a vite stoppée pour rester fidèle à sa copine. Des femmes mariées, poursuit-elle, gagnent énormément de plaisir avec les femmes et sont prêtes à mettre le paquet parce que la plupart d’entre elles ont de vrais hommes riches dans leur vie.

Quel mariage ?

En famille, seule la mère de HGR est au courant de son orientation sexuelle. Elle ne parle pas de mariage, mais le père ne cesse de le lui rappeler. « Chaque fois, il me demande qui est mon copain et me dit de me marier maintenant », indique-t-elle, l’air confuse. Pourtant, HGR n’a qu’un seul souhait : vivre en couple avec une femme. Le mariage avec un homme est donc loin d’être dans ses projets. Elle espère également avoir un enfant. « J’adore les enfants, mais comment les avoir ? C’est ça le problème », se résigne HGR. Elle n’ose pas non plus exposer sa tendance sexuelle parce que dit-elle, « les gens sont tolérants parce que je que fais des travaux d’hommes comme la coiffure, le football. Ils se disent que c’est juste une fille qui aime la dureté. Sinon, c’est difficile même de vivre dans notre société ».

Quel message aux parents ?

Un parent doit être toujours aux côtés de son enfant pour le surveiller. Dès l’enfance, dit-elle, il faut surveiller les faits et gestes de l’enfant. « Il y a des situations qui sont naturelles comme la mienne. On ne fait pas semblant de ne pas avoir des attirances pour l’autre sexe. Souvent, tu veux même essayer mais c’est difficile. Je dirai aux parents de commencer à comprendre l’orientation sexuelle de leurs enfants depuis le bas âge, de savoir avec qui elles/ils jouent et comment, peut-être, l’aider », recommande la jeune fille.

Bassératou KINDO

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