Le Balai en Afrique : Instrument du quotidien ou objet de mystères ancestraux ?
En Afrique, particulièrement au Burkina Faso, le balai est bien plus qu’un simple instrument ménager. De nombreuses croyances lui attribuent des pouvoirs mystérieux et protecteurs, passant de génération en génération. Témoignage.
Afrique mon Afrique, Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales, Afrique que chante ma grand-mère au bord de son fleuve lointain, Afrique de David Diop ! L’Afrique des traditions, des interdits et des mystères reste profondément ancrée dans la culture du continent. Parmi ces éléments mystérieux, le balai se distingue par ses nombreuses vertus, largement reconnues au Burkina Faso. Cet objet du quotidien est imprégné de significations symboliques et de croyances transmises de génération en génération.
« Dès que l’enfant commence à marcher, des femmes balaient les pas qu’il effectue pour qu’il ne se rassiéra plus », répètent certaines femmes avec conviction. Ramata Savadogo, mère de trois enfants a suivi ce conseil et en est sortie satisfaite. « Il y a des enfants qui, après leurs premiers pas, prennent peur et se rassoient, retardant ainsi leurs progrès. Pour éviter cela, il est conseillé de balayer leurs premiers pas », explique-t-elle.
Ramata, qui a appliqué cette méthode avec ses trois enfants, témoigne que cela a fonctionné, chacun d’entre eux ayant continué à marcher sans retourner à la position assise.
Comme Ramata Savadogo, de nombreuses femmes ont adopté cette pratique. Marceline Yaméogo, par exemple, raconte que son premier fils a commencé à marcher très tôt, ce qui l’a agréablement surprise. Cependant, après s’être rassis, il a passé environ six mois sans réessayer. Frustrée et perplexe, elle a cherché des conseils auprès d’une vieille vendeuse de feuilles médicinales, qui lui a révélé ce « secret ». Lorsque son fils a finalement tenté de marcher à nouveau, Marceline a balayé ses pas et depuis, il n’a cessé de progresser.
Un autre usage du balai est recommandé pour arrêter le hoquet des nourrissons. « Quand l’enfant a le hoquet, glisse un brin de balai dans ses cheveux et patiente », conseillent de nombreuses femmes, dont Ramata Savadogo et Marceline Yaméogo. Selon elles, cette astuce fonctionne et le hoquet disparaît au bout d’un moment.
Le balai est également perçu comme un objet protecteur. Assèta Ouédraogo, vendeuse de balais, explique qu’il est recommandé, lorsqu’on doit laisser un bébé seul, de le placer sous la protection d’un balai, surtout s’il s’agit d’une fille. « Le balai a le pouvoir de protéger l’enfant contre les mauvais esprits. Parfois, des génies échangent les enfants, mais grâce au balai, ils ne peuvent rien faire », affirme-t-elle.
Outre ses vertus protectrices, un interdit entoure le balai : « On ne balaie pas la nuit ». Marie Ouédraogo, sage-femme à la retraite de 90 ans, explique que la nuit appartient aux esprits. « Balayer la nuit, c’est se mesurer à eux. Si tu tombes sur un mauvais esprit, il se fera un plaisir de te montrer que vous n’êtes pas égaux », prévient-elle.
Tout est une histoire de croyance
Pour Marie Ouédraogo, les vertus attribuées au balai relèvent en grande partie de la croyance. Selon elle, ces recommandations fonctionnent souvent grâce à l’effet placebo. « Il suffit d’y croire pour que cela se réalise. En Afrique, on demande simplement d’accepter les choses telles qu’elles sont et d’avoir foi en ce qu’on nous dit. Quand on croit fermement en quelque chose sans une once de doute, ce que l’on souhaite se réalise vraiment », souligne-t-elle.
Cependant, l’expérience de certaines personnes n’a pas été concluante. Samiratou Kaboré, qui a appliqué le conseil pour que sa fille marche sans se rasseoir, n’a pas obtenu les résultats escomptés : « Le jour de ses premiers pas, j’ai balayé comme on me l’avait répété maintes fois. Elle s’est rassise et n’a recommencé à marcher qu’au bout de quatre mois. Ce jour-là, elle était à la crèche et personne n’a balayé derrière elle», raconte-t-elle avec indifférence.
Même constat pour Stéphanie Kalmogo, qui a utilisé l’astuce contre le hoquet. « Au début, je l’appliquais sur mon bébé, mais un jour, alors que nous étions en ville, je n’ai pas trouvé de balai à proximité. Pourtant, le hoquet est parti tout seul après un moment », se souvient-elle.
Marie Ouédraogo explique ces échecs par le manque de conviction. « Généralement, les personnes qui ne sont pas satisfaites après avoir appliqué ces recommandations étaient sceptiques et n’y ont pas cru totalement. Je vous répète, le secret est d’y croire », insiste-t-elle.
Le balai incarne une convergence de croyances, de traditions et de mystères qui continuent de marquer les esprits au Burkina Faso. Que l’on y croit ou non, ces pratiques révèlent la profondeur des traditions africaines et l’importance de la foi en des savoirs ancestraux.
Asmine Zerbo (Stagiaire) MoussoNews
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