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Les Bajenu Gox de Thiès ont réussi à améliorer la santé de la mère et de l’enfant
La 7 ème Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est en cours à New-York. De bons résultats en termes de mortalité infantile, néonatale et maternelle sont enregistrés par le Sénégal au cours de ces dernières années. Derrière ce succès se cache de grands efforts fournis par les Bajenu Gox. Nous sommes allées voir la recette des performances enregistrées par ces « marraines de quartier » de Thiès, récipiendaire du fonds Voix Essentielles.
C’est une matinée avec un vent frisquet après une petite pluie qui s’est abattue la veille sur la ville Thiès que les Bajenu Gox de Thiès, toutes de blanches vêtue, ont organisé une séance de causerie, l’une de leurs activités phares. Pendant ces moments, elles partagent, entre elles, leur savoir. Adja Fatou Badiane, une Bajenu Gox qui veut dire une « marraine de quartier » en wolof dirige l’association des Bajenu Gox de Thiès qui regroupe plus de 250 membres actives.
Elle est très respectée par sa communauté du fait de son engagement qui date de plusieurs années. L’association polarise tout le district de Thies qui compte 6 communes. Autour de chaque poste, il y a une Bajenu Goox. Adja Fatou Badiane revient sur les principaux axes d’intervention : « on fait des plaidoyers pour intervenir sur trois axes pour réduire la mortalité maternelle. Il s’agit de la prise de décision tardive pour aller à l’hôpital. On sensibilise les femmes pour qu’elles n’attendent pas au dernier moment avant de se rendre dans une structure sanitaire. Le fait de se rendre tard à l’hôpital présente d’énormes risques. Dans un deuxième temps, on intervient également dans la prise en charge tardive à l’hôpital. Enfin, l’accès difficile de certaines structures de santé est notre 3e axe de plaidoyer ».
Créé en 2010 par l’ancien Président Abdoulaye Wade, le Programme Bajenu Gox vise à responsabiliser, dans chaque quartier ou village, une femme leader dont la mission sera de sensibiliser les femmes et de leur montrer comment elles peuvent éviter les complications liées aux grossesses. On peut également ajouter dans leurs paquets d’activités, la suivi les femmes enceintes pour les familiariser avec les consultations pré et post natales. Elles sont sélectionnées selon des critères tels que l’engagement et la discrétion.
L’approche communautaire pour mieux sensibiliser
Adja Fatou Badiane est Bajenu Gox depuis plus de 10 ans à Thiès privilégie une approche typiquement sénégalaise qui intègre des expériences communautaires. « Nous faisons des visites à domiciles pour exhorter les femmes enceintes de faire les premières visites prénatales. On incite également les femmes qui ont des retards au niveau des menstrues de se rendre dans les structures de santé pour faire un test de grossesse. Si la grossesse est confirmée, les « Bajenu Goox » incite la femme de respecter les consultations prénatales », argue-t-elle.
Adja Khady Gueye, une autre Bajenu Gox par ailleurs présidente de l’association des bajenu Gox Thiès-Ouest, elle est très admirée par sa communauté du fait de son engagement sans failles. Après avoir identifié et suivi les femmes enceintes de sa commune, elle exhorte les mamans de son quartier de faire recours aux soins précoces : « il faut se rendre tôt aux postes de santé dès les premiers signes de fièvre du bébé pour éviter certaines complications ».
C’est de belles histoires et de tranche de vie que ces Bajenu Gox vivent au quotidien dans le cadre de leurs activités. C’est le cas de Dieynaba Dem, une marraine qui a déjà adopté 3 enfants. Son principal axe de combat reste le respect des visites post-natales. Elle constate que : « beaucoup de femmes pensaient qu’après l’accouchement, elles n’ont plus besoin d’aller à l’hôpital alors qu’elles ignorent que les risques sont plus nombreux durant cette étape. 3 jours après l’accouchement, il faut faire une consultation. De même que le 8e jour et le 42e jour. Cette dernière visite est souvent négligée alors que c’est la plus importante. C’est pourquoi les Bajenu Gox font tout pour le respect de ces visites. Grâce à nous, les consultations post-natales sont maintenant très respectées ».
Augmentation des fréquentations dans les postes de santé et diminution de la mortalité infantile
De par leur proximité avec la communauté, les Bajenu Gox ont adopté à Thiès une démarche qui s’adapte aux valeurs socioculturelles sénégalaises en favorisant le leadership des femmes au niveau des quartiers et villages. C’est pourquoi leur implication dans la santé de la reproduction trouve un écho favorable. La Présidente des Bajenu gox de Thiès rappelle l’importance de la sensibilisation relative à la planification familiale. Pour elle, « l’espacement des naissances évite beaucoup de risques comme la rupture du col de l’utérus qui peut provoquer une hémorragie mortelle. D’où l’intérêt de faire un planning famille afin de permettre à la femme de se reposer au moins 2 ans avant une nouvelle grossesse ».
Adja Fatou Badiane à l’image de toutes ces braves dames veulent relever les indicateurs de santé à tous les niveaux. Elles s’engagent dans tous les fronts : « pour éradiquer la transmission mère/enfant au Sénégal. C’est pourquoi, on demande aux femmes enceinte de faire le dépistage du Vih/Sida. Parce que le Sénégal est à la phase éliminatoire du Sida ».
Les Bajenu Gox ont joué un rôle fondamental dans le changement de comportement. Cela se traduit par la fréquentation accrue des postes de santé ces dernières années. De bons résultats se justifient par leur implication.
Adja Khady Gueye avance que : « on fréquente les postes de santé depuis des années mais il y a une vraie amélioration. Les femmes enceintes sont maintenant conscientes qu’il faut se rendre dans les postes de santé. Autrefois, elles restaient chez elles en utilisant des décoctions ou en faisant de l’automédication. Mais de nos jours, cela existe de moins en moins. Elles se rendent dès qu’elles voient que leurs enfants ne se sentent pas bien. Même les infirmiers chef de poste nous confirment l’utilité de notre travail dans la sensibilisation ». C’est un succès qui peut être attribué en partie grâce à l’étroite collaboration entre les marraines et le système sanitaire.
Adji Fatou Badianne confirme que : « les fréquentations dans les postes de santé ont augmenté et les mortalités ont diminué. Les accouchements à domicile ont drastiquement diminué à Thiès. Ces constats prouvent que notre travail a un impact positif ».
Même si la reconnaissance sociale et l’envie d’aider la communauté demeurent un sacerdoce pour ces Bajenu Gox, il faut toutefois remarquer que les moyens financiers pour faire face aux dépenses itinérantes aux activités sont quasi absents ou faibles. Pourtant le sujet relatif à la motivation de ces « leadHERs » avait été évoqué par le Président Macky Sall en 2017 lors d’une rencontre nationale de plaidoyer des Bajenu Gox. Mais « jusque-là, on a encore rien vu. On ne sait pas à quel niveau, il y a eu blocage » estime la Présidente de l’association des Bajenu Gox de Thiès.
L’espoir est toutefois permis grâce au programme Voix Essentielles qui est une initiative mise en œuvre par Speak Up Africa. Cela a permis aux Bajenu Gox de pouvoir renforcer leurs capacités organisationnelles, opérationnelles et stratégiques. Grâce au programme, les Bajenu Gox de Thiès confirment avoir influencé au mieux par le plaidoyer les politiques et les programmes qui affectent la santé et le bien-être des femmes dans la région de Thiès.
Abdou Khadir Seck
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