Les femmes accusées de sorcellerie toujours en colère, 6 mois après leur déménagement à Sakoula
Suite à l’inondation du centre d’accueil des femmes de Delwendé de Tanghin en juillet 2016, le ministère en charge de la solidarité nationale avait dû déménager les pensionnaires sur un nouveau site à Sakoula. A la veille du 8 mars dont le thème a porté sur l’exclusion sociale, Queen Mafa y a fait tour. Constat.
Le centre Delwindé de Sakoula est le nouveau refuge des ex-pensionnaires du Centre Delwendé de Tanghin. La plupart sont des femmes chassées de leur village pour sorcellerie. Des femmes d’un âge avancé qui vivaient paisiblement au sein de leur famille respective jusqu’au jour où elles ont été accusées de sorcellerie et traiter de « mangeuses d’âmes ».
A Tanghin où, elles essayaient de vivre tant bien que mal leur exclusion familiale, un autre évènement que certaines d’entre elles avaient qualifié comme une seconde exclusion, est venu bouleverser le cours de leur vie. En effet, constamment exposées aux inondations, les autorités gouvernementales ont dû leur trouver un nouveau site dans le village de Sakoula à quelques kilomètres de Ouagadougou. Après moult résistances du fait de la distance d’avec le centre-ville, elles finissent par céder.
Selon la directrice du centre sœur Hostencia Filipe Sizalande, le déménagement était déjà dans leur programme depuis la construction du centre de Sakoula, cependant « Nous n’étions pas prêtes à déménager à la période qui nous a été imposée, mais devant une telle urgence, il fallait que l’on quitte les lieux », reconnait-elle
6 mois après leur déménagement, la vie semble reprendre son cours normal et les pensionnaires du nouveau site essayent de s’adapter à leur nouvelle situation. Toutefois la tension se fait toujours sentir. C’est peut-être la raison pour laquelle nous allons nous voir refuser tout entretien avec elles.
La raison évoquée : elles auraient mal parlé la dernière fois que le micro leur a été tendu. Nous comprenons donc aisément que les femmes fulminent toujours une grande colère après leur déguerpissement de Tanghin et n’hésiteraient point à le dire devant qui veux l’entendre. D’où ce refus catégorique de nous entretenir avec elles.
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Hostencia Filipe Sizalande, explique que ces pensionnaires continuent de se rendre en ville pour balayer les céréales déversées aux abords des marchés. Vue la distance, certaines prennent ensemble un tricycle pour se rendre dans les marchés, celles qui n’ont pas de moyen et qui ont encore la force y vont à pieds. Aussi ajoute-t-elle, d’autres femmes continuent de filer leur coton et les clients habituels les rejoignent à Sakoula pour en acheter. Il y’a également des femmes qui font de la main d’œuvre pour les travaux champêtres.
Un manque criard de logement
L’une des difficultés que l’on peut constater, c’est d’abord le problème d’accès du site, la route est assez mauvaise. Ce qui donne du fil à retordre pour les déplacements vers le centre-ville. Il y ‘a aussi, la disponibilité des chambres. Selon la directrice du centre, il y’a une trentaine de chambres dont 7 chambres indisponibles. Celles-ci contiennent du matériel qui appartiendrait au ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la famille. Ce qui fait que il n y ’a pas assez de place pour ces femmes qui peuvent se retrouver au nombre de 12 à 14 dans une même chambre. Aussi le centre est obligé de parquer toutes sortes de produits, comestibles et non comestibles dans une même chambre.
Réagissant au thème de la journée internationale du 8 mars 2017 portant sur l’exclusion sociale, Hostencia Filipe Sizalande ne mâche pas ses mots : « Il faut plutôt beaucoup plus d’actions concrètes sur le terrain car une chose est de parler pour plaire côté politique, une autre est de mettre ce que l’on dit en œuvre».
Un seul « mangeur d’âme » à Sakoula
Kagnimbou Guigmdé, 80 ans, est arrivé il y’a quelques semaines. Il est le seul « mangeur d’âme » dans ce centre, les 4 autres hommes étant des malades mentaux. C’est après un décès que les habitants du village ont effectué des rites. A l’issue de cela, il a été désigné comme étant celui qui a mangé l’âme du défunt. Ainsi, il a été contraint de quitter manu militari le village. Il aurait même été poursuivi par les habitants pour l’assassiner. Il doit sa survie à un pasteur qui l’aurait hébergé pour la nuit. C’est d’ailleurs ce dernier qui l’a envoyé au centre il y’a de cela 3 semaines.
Son seul désir est de pouvoir retourner dans sa famille. « J’ai en charge 3 femmes et 8 enfants de bas âge, pour moi, c’est une grande honte de me retrouver dans ce centre sans raison. Je ne pourrais jamais vivre ailleurs qu’auprès des miens », a-t-il relevé.
Selon le vieux Kagnimbou, il est temps que le gouvernement fasse quelque chose afin que l’exclusion sociale cesse définitivement au Burkina Faso.
Aujourd’hui, le centre Delwindé de Sakoula accueille environs 226 femmes accusées de sorcellerie. Par coup de chance, quelques-unes arrivent à réintégrer leur famille pendant que d’autres n’y pensent même plus, au vue des menaces.
Lala Kaboré /Dera
Aminata Gangsoré