« Les femmes doivent arrêter de se comparer les unes aux autres », Kadhy Touré
Kadhy Touré. Une femme accomplie et épanouie. Réalisatrice, productrice, animatrice télé, businesswomen, Kadhy Touré est aussi entrepreneure dans l’esthétique. Dans cet entretien accordé à moussonews.com, elle parle de ses activités et de la femme en général.
MoussoNews (MN) : Du grand écran, le cinéma, vous êtes passé au petit écran, la télévision avec l’émission « Les femmes d’ici ». Pourquoi la thématique spécifique sur les femmes ?
Kadhy Touré (KT) : En réalité c’est la télévision- NCI- qui a décidé de faire une émission de femme. NCI a donc trouvé qu’il fallait une émission consacrée aux femmes où on allait aborder des thématiques qui touchent les femmes. La télé m’a donc fait appel. C’était une belle aubaine pour une personne comme moi, engagée sur tout ce qui touche aux femmes, son bien-être. C’était un véritable plaisir.
MN : Engagée pour la cause de la femme, peut-on vous considérer comme féministe ?
KT : En fait, j’ai une définition différente du féminisme. Je ne suis pas pour le féminisme qui est en train de faire une comparaison entre l’homme et la femme, à se dire que la femme est forcément meilleure ou en train de vouloir revendiquer certaines choses alors qu’on a d’autres réalités. Moi je me dis que chacun à sa place. Chacun avance très bien comme il faut et le plus important c’est que tu choisis un domaine où on te laisse exercer et où tu excelles. C’est en cela que l’on peut montrer ses compétences. Ce n’est pas en te battant où en allant parler de tous les sujets. Pour moi, ça fait trop femme aigrie et je n’aime pas ça.
MN : Pourquoi toute l’équipe d’animation est-elle constituée de femmes uniquement ?
KT : Toute l’équipe est constituée de femme parce que justement on parle de femme, on ne veut pas d’homme. Le concept c’est être comme dans un salon où les femmes s’affairent. Comme si on était à la maison en train de papoter et on sait très bien que quand les femmes sont à la maison en train de papoter, elles se disent plein de choses.
MN : On constate parfois des thèmes osés pour l’émission surtout en lien avec la sexualité.
KT : C’est vous qui pensez que c’est osé. Sinon c’est osé pour qui ?
MN : C’est oser pour un pays comme le Burkina Faso par exemple, parce que l’émission est suivie partout dans le monde.
KT : Oui. Je peux accepter que ça soit oser pour un pays comme le Burkina Faso. C’est normal parce que les mœurs ne sont pas les mêmes selon les pays. L’émission est l’une des plus suivies au monde. Du coup, notre cible n’est pas seulement le Burkina Faso mais le monde entier. On aborde tous les thèmes pour tout le monde. D’ailleurs, ce que les gens appellent ‘’osé’’ ou pas, moi j’appelle ça de l’hypocrisie. Parce qu’en réalité, ce ne sont pas des choses que les gens ne font pas. Ils le font. Mais comme on en parle haut et fort, ça sonne donc ‘’osé’’. Sinon, beaucoup font ça dans le noir. C’est ce qui fait la force et le succès de l’émission. Les gens ne s’attendaient pas à ce que des femmes puisses parler de certains sujets aussi tabous en Afrique. A mon avis, nos thèmes abordés ne sont pas osés. Il s’agit, à travers l’émission, d’éduquer et de sensibiliser.
MN : Certains thèmes abordés ont-ils suscité des polémiques ?
KT : Il a toujours des polémiques sur notre émission. Quand on parle de conquistador, de plein de choses, du micro, de prendre l’ascenseur, de ci et ça, il y a des polémiques. C’est cela notre mission. Quand ça marche, il y a toujours des polémiques et s’il n’y avait pas de polémique on devait même se poser des questions. Les gens font des polémiques mais ils sont toujours les premiers à regarder. Le plus important chez nous, c’est qu’on reçoive plus de messages de soutien, plus de messages de femmes qui ont été guéries, de couples qui ont été restaurés grâce à cette émission.
MN : Actrice, réalisatrice, productrice, animatrice … Quel temps accordez-vous à votre famille ?
KT : C’est une question d’organisation. C’est un métier que j’ai choisi. Quand tu fais ce que tu aimes, tu ne sens pas que tu travailles. Parfois, je suis très fatiguée, je me sens courbaturée mais dès que j’arrive à la télé, je me sens bien, parce que j’aime ce que je fais. Je m’entoure de personnes biens. Je travaille avec des collaborateurs qui sont bien et qui suivent ma vision. Et même quand je ne suis pas à tel ou tel endroit, parce qu’effectivement je ne peux pas être partout à la fois, les choses coulent tranquillement de source. J’ai de bons gestionnaires.
MN : Combien d’entreprises avez-vous ?
KT : J’ai une structure de communication qui fait la production audiovisuelle, le cinéma et la création de contenus digitaux. J’ai “Finess“ qui est ma marque, la ligne de produit, et enfin la télévision. En somme, je mène trois activités en même temps.
Q : « Avec Khadi à la tête de cette émission … ». Vous le dite avec assurance, ce qui démontre que vous êtes une femme caractérielle. Qu’est-ce qui vous caractérise ?
KT : La passion. Et quand le feu de la passion brûle en toi, tu as l’impression d’avoir des ailes qui te permettent de voler. Tu peux tout accomplir parce que tu crois en toi. Et lorsque les retours positifs s’en suivent, l’impact de ton action sur les gens, la satisfaction personnelle est indescriptible. Je rencontre des gens qui ont plus de 60 ans qui suivent cette émission et qui se disent – « Waouh ! Cette émission nous fait du bien ». Il y a des personnes qui sont malades qui nous envoient des messages que l’émission guérit leur âme. Il n’y a rien d’autres de plus important que cela.
MN : Avez-vous un lien de parenté avec Konnie Touré ?
KT : Non, pas du tout. On porte le même nom de famille comme un peu au Burkina Faso où une bonne partie des personnes se nomme Ouédraogo.
MN : Collaborez-vous avec elle dans votre vie active ?
KT : Oui. Elle est une femme de médias, une grande sœur. Beaucoup disaient qu’on se ressemblait. On a cherché à se rencontrer. Mais on n’est même pas du même village, mais simplement des amis de cœur et c’est une devancière dans l’animation, une femme extraordinaire et j’apprécie ce qu’elle fait.
MN : Vous arrive-t-il d’avoir des moments de faiblesse ?
KT : Il y a des moments de faiblesse pour tout le monde. Le plus important c’est de ne pas laisser ces moments prendre le dessus. On est tous des êtres humains. Il arrive des moments où les choses ne vont pas comme on le souhaite. Il m’arrivait souvent de pleurer sur mon plateau de tournage en tant que productrice à cause du manque de finances. Mais malgré cela, j’énumère les aspects positifs, avec ma capacité de restauration de moi-même. Je retourne beaucoup de choses en ma faveur en me penchant plus sur le positif que sur le négatif.
MN : Vous êtes businesswoman, notamment dans l’agroalimentaire. Qu’est-ce que vous faites pour les autres femmes ?
KT : Je suis toujours en train de vouloir aider les autres. C’est en ce sens que j’ai créé Finess pour permettre aux femmes qui ont envie de se lancer dans une activité de se greffer à Finess. J’ai aussi une fondation dénommée « Khadi Touré ». On a beaucoup de représentations Finess partout dans le monde comme aux Etats-Unis, en France, au Congo, au Cameroun, au Bénin, au Burkina Faso et Suisse. Au Burkina Faso, la représentation de Finess a ouvert ses portes il y a six mois. C’est une manière pour moi de soutenir les femmes afin qu’elles soient indépendantes financièrement.
MN : Que pensez-vous de cette solidarité féminine qui semble ne pas être une réalité selon certaines personnes ?
KT : J’avoue qu’il y a un problème. Les femmes sont très hypocrites entre elles. Elles ne s’aident pas mais il y a des exceptions. Il ne faut pas regarder ce que les gens ne te donnent pas en retour. Regarde plutôt ce que tu leur apportes. Même s’il arrive souvent des trahisons, ce n’est pas grave. Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Pour ne pas être déçu, il ne faut rien attendre des autres.
MN : Quel message avez-vous à l’endroit des femmes dans ce sens ?
KT : La femme est incroyablement forte. Il faut qu’on en prenne conscience maintenant. Pour moi, l’épanouissement c’est dans le physique, c’est dans le mental. Les femmes doivent arrêter de se comparer les unes aux autres. Ce qu’il faut faire c’est d’avancer. Aimez ce que vous faites. Ne cherchez pas à être en compétition.
Bassératou KINDO