Ligature des trompes : une méthode de contraception irréversible de plus en plus connue et adoptée

La ligature des trompes fait partie des méthodes de contraception au Burkina Faso. Irréversible, elle est de plus en plus connue et adoptée par de jeunes femmes et des couples mais après 35 ans. En 2022, plus de 100 femmes ont opté pour cette méthode à la clinique Maries Stoppes Internationale. Constat dans quelques centres de santé !

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La salle de consultation de la clinique Marie Stoppe Internationale ne désemplit pas, en cette matinée du 2 août 2023 à Ouagadougou. Des femmes, des jeunes filles mais aussi des hommes attendent patiemment leur tour de consultation. Certaines pour adopter une méthode de contraception, d’autres pour simplement des consultations.

Adissa, la quarantaine révolue est mère de 3 enfants. L’air visiblement sereine, elle tient le ticket n°17 pour sa consultation en vue de l’adoption de la méthode irréversible : la ligature de ses trompes. « Je suis sereine parce que je pense avoir pris la bonne décision », dit-elle calmement. ‘’ La bonne décision’’, ces propos attirent le regard de plus d’une femme en attente. « Je vais me couper les trompes pour ne plus avoir d’enfants », précise-t-elle en langue mooré.

Les attentions sont désormais orientées sur dame Adissa. Pauline, la quarantaine rassure. « Elle n’est pas la seule. Je suis aussi là pour ça. J’ai deux enfants, l’un à 18 ans et l’autre, 15 ans. Je ne compte plus faire d’enfant. Je suis toujours en activité sexuelle. Quoi de plus normal que de couper les organes susceptibles de recevoir un fœtus », commente-t-elle, sans gêne. Les langues se délient.

L’ambiance est bon-enfant. Le débat est toutefois interrompu par l’appel du maïeuticien. « Mme Adissa, merci de me rejoindre en salle », dit-il. Adissa s’exécute. L’opération a duré environ 45 minutes. Quelques instants après, Adissa ressort de la salle le bas ventre drapé de sparadraps sous son pagne noué. « Il faut vous coucher quelques instants, le temps que les douleurs passent avant de rejoindre votre domicile », lui conseille le maïeuticien. La mine un peu grisée de douleur, Adissa semble satisfaite. « Tout s’est bien passé », rassure-t-elle.

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Cette jeune dame a pris la décision de la méthode irréversible avec son époux. « Nous avons eu à déjà fait un avortement parce que je suis très fertile. Pour éviter que cela n’arrive, ce qui pourrait être fatale, nous avons pris la décision de la ligature des trompes », informe-t-elle. Et d’ajouter sur un ton taquin : « Mon mari, il aime la ‘’chose’’ et nous sommes encore jeunes pour nous en priver ».

Quand ‘’Monsieur’’ accompagne ‘’ Madame’’

Yacouba, 38 ans, est vendeur de pièces détachées dans un marché de Ouagadougou. Père de 4 enfants, il raconte qu’il a failli chasser sa femme lorsqu’elle lui a annoncé la 4e grossesse. « Je lui ai dit de rentrer chez elle parce que j’étais sûr que cette grossesse n’était pas de moi », dit-il souriant. Avec sa femme, il avait planifié n’avoir que trois enfants. La 4e grossesse a donc été une surprise pour lui, mais pas pour sa femme. « Elle voulait coute que coute une fille », se rappelle-t-il. Pour éviter une autre surprise, Yacouba a accompagné sa femme âgée de 37 ans pour adopter la méthode irréversible – la ligature des trompes-.

Maimouna (nom d’emprunt) ne s’est pas opposée à la décision de son époux. « Moi-même j’ai trop souffert avec cette dernière grossesse. Je pense que je dois maintenant faire une halte définitive et m’occuper de mes enfants », dit-elle. L’opération de Maimouna a également duré moins d’une heure. A son chevet, Yacouba caressant ses cheveux a rassure que tout ira bien. « Je comprend ce sentiment de savoir qu’on ne pourra plus avoir d’enfant. Surtout quand on pense que tout peut arriver dans la vie. Aussi, notre religion condamne ces choses parce qu’on estime que c’est Dieu qui donne les enfants », lâche Yacouba, visiblement anxieux.

Pour sauver sa vie

Un autre centre de santé, une autre réalité et des récits de vie, les unes aussi humaines que les autres. Yvette (nom d’emprunt), 35 ans, souffre d’une maladie dont une grossesse lui pourrait être fatale. Une première grossesse a été extra-utérine. « On a dû couper les trompes. Et j’ai failli mourir », se rappelle-t-elle l’air triste. Yvette avait donc opté pour la méthode de contraception irréversible pour sauver sa vie.

Dans les centres urbains comme dans ceux des campagnes, la méthode de la ligature des trompes est de plus en plus optée par des femmes. Les équipes de Marie Stoppe Internationale mènent fréquemment des campagnes de promotion des méthodes contraceptives. Parmi les plus demandée, figure la ligature des trompes.  » Dans les campagnes, parfois, à 35 ans, les femmes sont déjà mère de 5 à 6 enfants », explique Dr Marie Véronique Maré, sage-femme à Marie Stoppe Internationale. Après la présentation des différentes méthodes, beaucoup décident de la méthode irréversible.

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A Kari à quelques kilomètres de la ville de Boromo sur l’axe Ouagadougou-Bobo-Dioulasso, cinq jeunes dames, sur la quinzaine inscrite pour l’adoption de méthodes, ont opté pour la ligature des trompes. Parmi elle, Ami, 36 ans, veuve et mère de 5 enfants. « Tout peut arriver et je ne souhaite plus avoir d’enfants. Je dois me battre pour m’occuper de mes enfants. Je pourrai avoir des envies sexuelles mais je ne souhaite plus tomber enceinte. Je n’en ai vraiment pas besoin », témoigne-t-elle.

Du counseling avant tout acte

A l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF) comme à Maries Stoppes Internationale ou tout autre clinique médicale, la ligature des trompes ne se fait jamais sans un préalable de counseling. « Nous prenons le soin d’expliquer ce que c’est que la ligature des trompes, son irréversibilité et l’accord obligatoire des deux conjoints. De plus les premières conditions pour adopté une telle méthode est d’avoir 35 ans et être mère de trois enfants de deux sexes », rassure la sage-femme Sylvie Maré. Par exemple, ajoute-t-elle, une femme de 40 ans qui a deux enfants ne peut pas bénéficié de la méthode.  » On lui conseille d’adopter une méthode de longue durée« , précise-t-elle.

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Marie Véronique Maré, sage-femme à Marie Stoppe Internationale.

Les patients sont donc informés et avertis qu’ils ne pourront plus avoir des enfants avec l’adoption de cette méthode. A l’issue des échanges, il y a parfois des désistements mais sur 5 patientes, il y a souvent moins d’une, voire pas de refus, informe de Dr Maré Marie Véronique.

Quelles motivations?

Des raisons de réduction d’enfants mais aussi économiques entre autres motivations des femmes qui adoptent la méthode irréversible. « Il y a des hommes qui démission de leur responsabilité en famille. La femme se voit dans l’obligation de prendre tout en charge. Elle décide donc d’adopter une méthode pour mieux s’occuper de ses enfants« , explique la sage-femme Maré qui affirme recevoir beaucoup de ces cas lors des campagnes. Dans une clinique de la place à Ouagadougou, le gynécologue Adama Tinto avance la même raison économique. « Il y a des couples qui décident de cette méthode pour mieux prendre en charge les enfants déjà nés. Ils veulent leur offrir une meilleure vie« , explique-t-il.

Au moins 7 femmes toutes les deux semaines

Les centres de santé qui pratiquent la ligature des trompes enregistrent au moins 7 femmes toutes les deux semaines. « C’est énorme ! », clame Dr Maré, sage-femme à Maris Stopes Internationale. A l’ABBEF, c’est également le même nombre qui est enregistré, sinon plus, informe une sage-femme. « Avant, les femmes avaient beaucoup d’appréhensions sur cette méthode, mais quand elles arrivent, beaucoup posent les questions notamment sur la ligature des trompes. Elles connaissent de plus en plus la méthode et l’adoptent tant que les conditions sont remplies », indique les sages femme Maré et Dera.

Lire ici: Vision Express sur…. : Et si on permettait à la femme de disposer de son corps et de son avenir ? – Tribune de femme (blog4ever.com)

En 2022, ce sont plus de 100 femmes qui ont été enregistrés dans les fichiers de Marie Stoppe internationale. Moins d’une centaine également sur ceux de l’ABBEF. La ligature des trompes, appelée aussi stérilisation féminine, est une intervention chirurgicale volontaire, simple et sûre.

Mariam LINGANE/MoussoNews

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