Madiara Véronique Traoré, productrice : « Très peu de femmes ont le courage de se lancer dans l’agriculture »
« La terre ne ment pas ». Cette affirmation est une conviction pour Madiara Véronique Traoré/Sanou, productrice de maïs à Orodara dans la province du Kénédougou (région des Hauts-Bassins). Femme courageuse, elle s’est engagée dans l’agriculture depuis 1996. Elle est aujourd’hui sans regret eu égard aux bienfaits que cela lui a rapporté et continue d’ailleurs de lui en procurer.
C’est une série de désillusion professionnelle qui a entrainé dame Traoré dans le commerce, et ensuite, dans l’agriculture. Elle ne le regrette point et si c’était encore à reprendre, elle n’aurait pas passé 14 ans à espérer une fonction dans l’administration publique. En effet, se rappelle-t-il encore : « après le certificat d’étude primaire (CEP), je fais du bénévolat à la direction provinciale de l’agriculture de Orodara pendant 7 ans. J’ai toujours pensé que je serai retenue pour un poste –secrétaire, agent de bureau, etc- mais rien de concret ne se présentait. Découragée, j’ai quitté la direction pour la préfecture ou j’ai encore passé 7 ans. Rien de positive ne profilait à l’horizon ». Madiara s’est alors résolue à se lancer dans le commerce des fruits. Sa province étant réputée dans la production de fruits notamment les manges, elle s’y est entièrement investie. Sa persévérance et son abnégation vont lui valoir le mérite d’être élue comme présidente de l’Union provinciale des professionnels agricole du Kénédougou (FEPK) en 1997 après sa reconversion en productrice agricole en 1996. A la question de savoir pourquoi le choix de l’agriculture, dame Traoré dira qu’après avoir travaillé plusieurs années à la direction provinciale de l’agriculture, elle a eu le temps de comprendre l’importance du domaine. Cette mère de cinq (5) enfants, très appréciée par les populations de Orodara n’a pas donc hésité un instant lorsque l’occasion de se lancer dans le domaine s’est présentée à elle. « J’ai choisie l’agriculture pour montrer que lorsqu’une femme veut, elle peut », dit-elle toute fière. Elle évolue depuis deux ans, dans la filière maïs après avoir dirigé plusieurs unions des producteurs, transformateurs et éleveurs de la province.
Une filière, une spéculation et tout va pour le mieux
L’idée de scinder les filières a été murie par les organismes internationaux de soutien à l’agriculture, afin de mieux dégager les besoins de financements. La productrice qui a plutôt choisi la filière maïs récolte aujourd’hui les bénéfices. Avec le soutien d’Oxfam, elle était en mission en Tanzanie pour s’inspirer de l’expérience du Warrantage. « J’avoue très sincèrement que depuis que nous nous sommes lancées dans le warrantage, nos rendements ont augmenté », nous a-t-elle confié. En effet, si autrefois, les productrices de maïs ne s’attardaient pas sur le choix des variétés de semences, les choses ont véritablement changé depuis les différentes formations dont elles ont bénéficié grâce aux soutiens de certaines organisations agricoles. Les rendements ont significativement augmenté. En outre, ils/elles ne bradent plus leurs récoltes. Les récoltes sont, en effet, stockés dans un magasin contre un crédit qu’alloue la Caisse populaire pour permettre aux productrices et/ou producteurs de mener des activités génératrices de revenu. « C’est quand le prix augmente sur le marché que la caisse revend les récoltes. Il y a en fait, un double bénéfice dans ce système de stockage », explique davantage Mme Traoré qui compte dans son union 872 membres dont 461 femmes et 411 hommes. Les retombées, avoue-t-elle, sont énormes et la collaboration reste toujours parfaite avec tous les membres de l’Union. « Nous nous concertons pour toute décision ou tout soutien pour l’octroi de crédits ou d’intrants », laisse-t-elle entendre.
Quel marché pour ces vaillants producteurs ?
De la France au Pays-Bas, en passant par le Sénégal, le Mali, la Tanzanie, le Niger, la productrice de 56 ans a sillonné nombre de pays dans le cadre de ses activités agricoles. L’étape des Pays-Bas lui parait très important mais aussi pour les producteurs de la province qui se sont vus octroyer la somme de 20 millions de F CFA par des partenaires. « Lorsque ces partenaires du Pays-Bas nous ont octroyé ce crédit, nous avons pu le rembourser. Ils ont encore donné le même montant que nous avons remboursé. L’exemple a été suivi par la Caisse populaire qui n’a pas été déçue. Aujourd’hui on peut avoir un crédit de plus de 50 millions avec la Caisse qui nous fait entièrement confiance », raconte Madiara Véronique. L’accès au marché international et même local reste un parcours de combattant pour ces braves producteurs. Toutefois la Fédération professionnelle des producteurs agricole du Burkina (FEPA-B) qui travaille avec le Programme alimentaire mondiale (PAM) et la SONAGESS fait très souvent recours à l’Union qui lui livre les céréales. Le marché local, très peu présent, est selon Mme Traoré, celui des commerçants du plateau mossi qui viennent s’en procurer. Mais rarement !
La terre ne ment pas…
Fière de ce que l’agriculture lui apporte, Madiara Véronique a confié qu’elle n’a pas d’autres sources de revenu. Elle qui a payé l’école de ces 5 enfants, ouvert un restaurant pour sa fille, après avoir acheté une parcelle pour chacun d’eux s’est dite très comblée. C’est pourquoi répète-t-elle : « la terre ne ment pas ». Elle cultive sur un terrain de 3 à 4 hectares. « Je m’habille toujours bien mais je suis une autre personne lorsque je prends la daba. On se demandera si c’est bien moi Madiara », nous confie d’elle ajoutant que très peu de femmes ont souvent le courage de se lancer dans la production agricole alors qu’elle est très prometteuse. Déplorant toutefois le manque de soutien aux femmes et même quand cela est possible, elles en bénéficient moins, Madiara propose de voter un quota pour elles.
L’Ouest, le parent pauvre de l’agriculture
Bien qu’arrosée et présentant de nombreuses potentialités, la région de l’Ouest est selon Mme Traoré trop délaissée. A l’en croire il n’y a pas assez de projet de développement pour l’agriculture. Ce n’est pas, poursuit-elle, que la région est assez arrosée qu’il faut la délaisser ainsi. Pour la productrice, il faut renforcer ces potentialités qui existent mais qui peuvent d’un moment à l’autre se détériorer avec les changements climatiques. L’une des difficultés des producteurs de la province du Kénédougou est l’insuffisance des magasins de warrantage et l’octroi des intrants agricoles.
« Nous rencontrons beaucoup de difficultés, surtout pour le stockage des récoltes dans les magasins. Mais grâce au soutien d’Oxfam, nous avons bénéficié de deux magasins de 60 tonnes et de 100 tonnes. L’UEMOA nous est aussi venu en aide avec la construction d’un magasin de 500 tonnes. Mais nous n’avons pas d’aires de séchages, nous n’avons pas de siège pour les réunions. Le problème d’octroi d’intrants se pose aussi», a déploré dame Traoré.
Bassératou KINDO