‘’Marché de chien’’ de Bobo-Dioulasso : « C’était comme un site touristique »

‘’ Woulou lôgô’’ ou encore ‘’ Babiè lôgô’’ , l’appellation du marché d’un six mètres dans le quartier Accart-ville Sud a longtemps a susciter de grandes curiosités. ‘’ Woulou lôgô’’ ou marché de chien en langue dioula, ou encore ‘’ Babiè lôgô’’ (la signification en langue dioula est assez dévalorisante pour la femme) a une riche histoire qui date de depuis 1970. Selon les témoignages, plusieurs personnes venaient d’autres pays pour visiter le marché. Le dimanche 15 mai 2022, Mousso News est allé à la quête de l’historique de ce marché, qui accueillaient autrefois de milliers de personnes de toutes les destinations.

Mousso News (MN) : Pouvez-vous vous présentez ?

Sanou Jean (SJ) : Je m’appelle Jean Sanou, originaire de Bobo-Dioulasso, résident à Accart-ville, a côté du marché de chien de Bobo-Dioulasso.

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Woulou-lôgô » (marché de chien en Dioula) n’est plus fréquenté

MN : Quelle est l’historique du marché de chien de Bobo-Dioulasso ?

SJ : Ce marché existe depuis les années 1970. A cette époque des femmes s’asseyaient pour vendre des condiments dans cette grande voix qui abrite le marché actuel. A un moment donné, les autorités ont déplacé l’auto-gare pour l’envoyer ici à Accart-ville. Au sein de l’auto-gare, les transporteurs venaient de presque toutes les villes limitrophes du Burkina Faso afin de décharger leurs marchandises. On préparait du dolo (bière locale),  et de la viande de chien que l’on vendait dans ce marché. Il y avait également de la liqueur, et une ambiance toujours à son paroxysme. Les étrangers aimaient ça, et ils y découvraient de nouvelles choses chaque fois. Même ceux qui travaillaient à la SITARAIL, nommé RAN à l’époque, venaient s’abreuver et manger quelques morceaux de viande.

Ainsi, qui dit regroupement de personnes en masse, en présence de l’alcool, dit aussi présence de bagarres inutiles. De ce fait, après avoir bien bu du dodo, c’était le moment pour chacun de montrer qu’il était le roi de la jungle, c’est-à-dire le commandant du bateau. On parlait donc sans retenue, et chacun proférait des injures à la personne qui se trouvait en face de lui.

C’est de là qu’est venu le nom « Babiè-lôgô », qui est une injure en langue traditionnelle Dioula, à l’endroit de l’intimité de la mère de l’interlocuteur. Quant au nom « Woulou-lôgô », lui aussi fait allusion au même marché, qui signifie « marché de chien » en langue Dioula. Depuis ce temps, jusqu’à ce jour le marché a gardé les mêmes noms, et c’est par eux qu’on indique ce quartier.

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MN : A un moment donné, ce marché était devenu une figure emblématique de la ville, qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

SJ : Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’importance et la renommée qu’avait le marché. Les gens parlaient de ce marché même à l’extérieur du pays. Pour beaucoup de personnes qui ne l’avait jamais vu, il le prenait pour un site touristique. Je me rappelle une année, un homme est venu depuis la Côte-d’Ivoire et a confié avoir fait le déplacement juste pour venir voir le marché. Ils sont nombreux ces gens qui le font d’ailleurs, à chaque fois cela me marque profondément.

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« Les gens quittaient l’extérieur du pays pour venir visiter ce marché. C’était un lieu, ou les hommes cherchaient buvait du dolo, mangeaient la viande de chien, et s’insultaient sans contrôle »

MN : Le marché de chien est-il toujours identique jusqu’à nos jours ?

SJ : Non le marché de nos jours n’est plus comme avant. Le regroupement n’est pas aussi massif que ça. En plus les transporteurs ne viennent plus autant qu’ils le faisaient. Les injures ont pratiquement disparu sur le site. Même la viande de chien qui était quotidiennement vendu, on en trouve plus comme ça, car on gagne plus de chien aussi facilement à abattre. Cependant, les femmes continuent leurs commerces comme d’habitude, et c’est ici que la plupart des ménages de la zone s’approvisionnent en condiments.

MN : Quel est votre cri de cœur ?

SJ : Ce que moi je demande, c’est que les autorités de la ville réhabilite ce marché, qu’elles l’aménagent en petits magasins, et qu’elles permettent aux femmes d’exercer leurs activités de commerce, tout en gardant l’identité du marché.

Léandre Sosthène SOMBIE

leandresosthene61@gmail.com

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