Ouahigouya : l’eau de pluie, l’espoir de femmes déplacés internes de Youba
L’eau est plus que l’or à Youba, un site d’accueil des déplacés internes de la région du Nord du Burkina Faso, à une dizaine de kilomètres de la ville de Ouahigouya. Les pompes d’eau au nombre de quatre installées sur le site ne suffisent parfois pas pour plus de 3000 âmes. Des femmes parcourent des kilomètres à la recherche de ‘’ l’or bleu ’’. L’espoir a parfois été l’eau de ruissellement des pluies, cette année 2022. Pour la toilette des enfants, la lessive, et même pour préparer le repas.
Abata était épuisée. Elle venait de parcourir au moins trois kilomètres à la recherche d’eau potable. Partie avec trois bidons de 25 litres, elle n’a finalement eu qu’un bidon d’eau. « Nous étions nombreuses et comme j’ai pu au moins avoir un bidon, j’ai laissé les deux là-bas pour revenir faire la cuisine », dit-elle.
Abata et beaucoup d’autres familles avaient passé deux jours sans l’eau potable dans les concessions. Le bébé au dos, le bidon chargé sur la tête, la jeune dame était, malgré la fatigue, toute heureuse, d’avoir eu ne serait-ce qu’un bidou d’eau qu’elle entend soigneusement utiliser pour deux à trois jours. « Quand c’est l’eau de la pompe, il faut l’utiliser avec intelligence. Par exemple, je le garde généralement pour que la famille puisse boire et j’enlève un peu pour la cuisine », explique Abata. Un bidon d’eau ne saurait être utilisé pour la douche. « Jamais », dit-elle souriante. Sur le site, témoigne la jeune dame, des déplacés internes peuvent faire une semaine sans se laver. « C’est quand tu n’es pas assoiffé que tu penses à rafraichir ton corps. Ou quand tu as à manger que tu penses à la propreté », ajoute la jeune dame.
Deux camps séparés, deux pompes sur chacun
Les sites de déplacés interne sont assez particuliers. Au nombre de deux séparés par moins de cinq mètres, l’un accueille la communauté mossi et l’autre la communauté peuhle. Si la méfiance a longtemps régné entre ces deux communautés, l’implication des ONG dans la sensibilisation et la promotion de la cohésion sociale a donné des résultats positifs. Fatim Ouédraogo, 19 ans, se rend parfois sur le site des peuhls pour puiser de l’eau. « Avant, je ne pouvais pas me rendre sur le site d’à côté. Mais maintenant, lorsqu’il y a beaucoup de gens sur nos pompes, je prends mon bidon et je vais chercher l’eau sur le site d’accueil des peulhs », confie la jeune fille. Aminata Barry, 22 ans avait également les mêmes appréhensions. « Lorsque nous sommes arrivés, on évitait de se rendre sur l’autre site. Même les enfants n’avaient pas le droit de s’amuser avec d’autres enfants qui ne sont pas de la communauté peulhe. Il y avait une peur et une méfiance qui s’étaient installées », confie Aminata qui ne cache pas sa joie de pouvoir se rendre sur le site des mossis pour causer avec d’autres femmes. Lorsque ces dernières sont en manquent d’eau potable, elle se porte volontiers de le leur apporter quand elle en a.
L’eau de ruissèlement des pluies, l’espoir
Sur le site de Youba, la pluie apporte joie et peur. La peur d’être inondé et la joie toutefois de recueillir l’eau de ruissellement pour les besoins vitaux. Bintou et Sanata sont accueillies respectivement sur le site des peulhs et des mossis. Comme bien d’autres femmes, à chaque tombée des pluies, elles accourent vers les chemins de ruissellement. Les habits, les ustensiles, les enfants deviennent propres grâce à cette eau bien que sale. « Quand c’est très tôt le matin, nous recueillons la partie propre pour stocker dans des bibons. Ça peut toujours servir à n’importe quel moment, surtout la nuit ou tout le monde est terré chez lui avec la peur de pointer le nez dehors », dit-elle.
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🔴 L” eau de ruissellement des pluies, l’espoir de femmes déplacées internes – YouTube
Les femmes savent pourtant que l’eau de pluie pourrait être source de maladie pour elles et leurs familles. Parfois, disent-elles, « au bout de deux jours, elle devient gluante et on constate quelques petits cristaux qui se forment ». Sanata, d’un rire moqueur, soutient que les vers qui apparaissent dans l’eau vont mourir dans le ventre. « Nous, on veut juste boire et pouvoir manger », dit-elle.
Bassératou KINDO/ MoussoNews