Reconquête du territoire : Un noël avec ces femmes VDP qui ont tout abandonné pour défendre la Patrie
Elles sont jeunes filles, épouses, mères, veuves, orphelines … déterminées et totalement engagées pour lutter contre le terrorisme au Burkina Faso. Bintou, Biba, Audrey, Reine, Djénéba, Balkissa (des noms d’emprunts) se sont faites enrôlées – Volontaire pour la défense de la patrie (VDP) -. Certaines sur les champs d’opération au front et d’autres dans l’antichambre du front au camp national de formation, elles servent avec dévouement et loyauté la Nation burkinabè. MoussoNews a passé Noël aux côtés de ces femmes, pas comme les autres.
Dimanche 24 décembre 2023. Dès 6h du soir, NG, 21 ans, monte la garde au camp de formation des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) à quelques kilomètres de la capitale burkinabè. Habillée en treillis militaire et protégée par un gilet pare-balle, arme au point, casque sur la tête, la jeune fille de taille moyenne au teint noir ébène assure la sécurité avec fierté et détermination. Le visage radieux et sourire au coin, la volonté de servir la Nation se lisait aisément. « Mes respects chef », dit-elle dès la vue d’un encadreur. « Repos. Ça se passe bien ? », demande la formatrice. « Affirmatif », répond-t-elle avec considération. Plus loin, une autre jeune fille, 23 ans environ, est aussi de garde. « Elles sont toujours en binôme », informe la formatrice. Près des dortoirs, une autre jeune fille est de garde. « Elles se relaient à fréquence régulière jusqu’au petite matin. Il n’y a même pas d’endroit pour s’asseoir. Elles le font comme ça débout jusqu’au petit matin ? », questionne-nous. La réponse est affirmative avec l’assurance qu’elles sont habituées. « C’est un petit exercice ça », indique la formatrice souriante.
A quelques mètres de là, un autre site de dortoir. L’ambiance est bon enfant. C’est l’anniversaire d’un VDP. Mais les esprits ne sont pas à la fête. « Noël ? », s’étonne un VDP qui estime que tous les jours est Noël.
La journaliste « VDP »
2h du matin. C’est l’heure de la ronde. La formatrice nous embarque sur la moto. Le froid est indescriptible. « Il faut vous protéger. Il faut porter la tenue militaire qu’on vous a donnée », dit-elle. La ronde de tous les postes de garde se fait en quelques minutes. Tout est ‘’ok’’. Juste 2h de sommeil et le travail débute dès 5h.
A 5h du matin, c’était déjà le rassemblement au terrain de sport. Toutes les VDP sont là. Il faut courir pendant 1h. Difficile pour nous de suivre le rythme. Une marche s’en suit. « Qui marche là ? Qui marche là ? », demande un encadreur de loin. « Ici, on ne marche pas. On ne marche pas. Même s’il faut trottiner, il faut le faire. Je ne veux pas te voir marcher », nous dit-il. « J’en peux plus. Je ne peux plus tenir. Je suis fatiguée », avons-nous répondu. Une réponse qui lui fait pouffer de rire. L’air moqueur, il demande de faire 10 pompes. Toutes les filles s’exécutent. La course aura duré 30minutes à cause de la journaliste qui ne tenait plus. S’en ait suivie l’étape de la soupe (le café du matin). « C’est un pain sans contenu ? », avons-nous demandé à la formatrice. « Affirmatif », répond-t-elle. Le matin, chaque VDP et FDS prend du café avec ce pain sans beurre, ni confiture. De plus, le pain servit est léger. « Ça même c’est beaucoup et on aime bien. Au front, tu ne penses même pas à avoir cette grâce », commente une jeune VDP.
« Je vous assure que je vois deux véhicules »
« Maintenant que tu as fini de manger, on va aller sur le champ de tir », informe un encadreur. Un véhicule charge les cibles pour le champ. Il faut marcher pour rejoindre le site. Un encadreur nous croise à la porte et nous enjoint d’aller saluer un chef. « Bonjour Monsieur ». Il sourit et ordonne de courir pour aller demander comment on salut un chef alors qu’il marche pour s’éloigner davantage. « Non, ce n’est pas comme ça. Retourne encore », ordonne-t-il. « Il faut t’arrêter à au moins 1,5 mètres de lui et tu dis : mes respects chef », conseille l’encadreur. Chose faite. « Ouf ! Ce n’est pas simple ici », avons-nous murmuré. « Tu as dit quoi ? Il faut ramper. Vite ! », enjoint le chef. Ce qui fut fait, mais difficilement.
Le champ de tir, c’est une véritable école, un cadre d’apprentissage. Pendant près de 3h, il faut démonter et remonter l’arme, mémoriser les noms de chaque pièce. Avant de passer aux tirs avec des balles réelles. Une VDP est mise à la tâche pour expliquer les premiers cours à la journaliste sous le regard attentif des encadreurs. Elle explique en français puis en mooré. Le chargeur, la culasse, la détente, le ressort récupérateur, le levier …, l’enseignement est théorique et pratique. « As-tu compris un peu ? », demande un instructeur avant de poursuivre : « tu vas viser et on va voir. Visez surtout bien sur le véhicule ». « Monsieur, je vous assure que je vois deux véhicules. L’un en haut, l’autre en bas », avons-nous dit. Et tout le monde d’éclater de rire.
Lorsque tirer à balle réelle vous pénètre jusqu’à l’âme
Des balles réelles garnies dans le chargeur. Cinq (5) cartouches pour les tirs ‘’coup par coup’’. Puis 10 cartouches pour un tirs en rafale. En position débout, à genoux puis couché. Pour tirer, l’on doit bien positionner l’arme. La sensation est incroyable. Les coups de feu ne sont pas légers. Ils sont lourds et vous pénètrent jusque dans l’âme.
L’ambiance d’apprentissage est bon enfant. Mais pour tirer en rafale, un instructeur recommande d’attraper la journaliste. « Je vais tirer 10 coups en même temps ? » leur avons-nous demandé. « Oui. Et ce n’est rien ça. Vous avez la chance d’être habillée léger même. En situation réelle, il y a le gilet, les chargeurs le casque. Qui sont aussi lourds, en plus de l’arme », informe-t-il. Il aura fallu l’intervention du premier responsable du camp, le capitaine Z.O, pour être sauvée des mains des encadreurs. « Il faut la libérer, elle en a vu beaucoup aujourd’hui. Ne la fatiguer pas », dit-il.
Une VDP, une histoire inspirante
Au milieu des VDP et dans une ambiance de famille avec les encadreurs, les échanges sont francs avec parfois des sauts de rires et de taquineries. Chacune d’elle à une histoire. Aussi intéressantes les unes que des autres.
JH était vendeuse de pharmacie. Elle confie y gagner pourtant bien sa vie. Mais elle a décidé de s’engager pour sauver sa patrie. La jeune dame, mère d’un enfant d’environ 10 ans a passé Noël loin de son fiston. « Je suis VDP, pas par manque d’argent. Je gagnais bien ma vie. J’avais un salaire, mais vu la situation du pays, j’ai pris l’engagement de venir combattre aux côtés des FDS. Nous avons fait la formation et nous partons sur le terrain », témoigne-t-elle avec fierté. Près d’elle, GG, 28 ans et mère de deux enfants. Elle était coiffeuse et gagnait également bien sa vie. « Chaque fois, on pleure nos frères, nos maris, nos connaissances. Et lorsque j’ai vu que le pays avait besoin des Burkinabè pour apporter leur contribution, je n’ai pas hésité un instant », dit-elle avec conviction.
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FG, quant à elle n’a pas pu tenir ses larmes. Elle a perdu son époux et son frère dans des attaques terroristes. Mère de trois enfants, la jeune dame s’est engagée aux côtés des FDS pour combattre. « J’ai perdu ces deux merveilleuses personnes de ma vie. Mon mari et mon unique frère », dit-elle les larmes qui coulent sur la joue. Elle dépeint une triste situation dans son village occupé par les terroristes dans la Boucle du Mouhoun. « Même quand je venais pour m’enrôler, on a dû faire 3 jours sur la route, en train d’éviter les terroristes. Il faut vivre la situation pour comprendre. Notre pays a besoin d’être libéré. Nous n’avions jamais vécu ça. En tout cas, je suis prête au sacrifice ultime. Même si je dois mourir, je participerai à cette guerre », dit-elle.
DS, la plus jeune du groupe est âgé de 19 ans. Elève, elle a décidé de suspendre les cours pour s’enrôler. Loin de papa et maman, DS n’a qu’un seul souhait : en finir avec le terrorisme au Burkina. La mine rayonnante et rassurante, elle dit être résolument engagée et ne compte jamais abandonner. Au nombre d’une trentaine revenue du front, chacun porte une histoire et la ferme conviction de vaincre l’hydre terroriste au Burkina.
Ces mères VDP loin de leur enfant à Noël
NF, mère de trois enfants est VDP affectée dans la restauration. Depuis près d’une année, elle cuisine et sert chaque jour ses collègues. Loin de ses enfants, elle a envoyé de l’argent à sa mère pour l’achat des « habits de fête » de ses enfants. « Je les ai eus au téléphone. Ils me manquent, mais j’ai pris l’engagement de servir mon pays pour leur bien. Si le pays est en paix, ils seront en paix et je reste convaincue que Noël prochain, je le ferai avec eux dans la joie et la santé », dit-elle rassurante.
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RR, la quarantaine d’âge et mère de deux enfants a fêté elle-aussi, Noël, loin des siens, mais toute fière et déterminée. « Chaque matin, notre objectif est de se lever en bonne santé pour assurer la ration alimentaire à nos combattants, que ce soit les FDS ou les VDP. Nous cuisinons avec soins », dit-elle toute joyeuse. Tout comme NF, elle a aussi envoyé de l’argent pour l’achat des cadeaux pour ses enfants. « J’aurai certainement une permission en janvier pour leur rendre visite et revenir à mon poste », espère-t-elle. A l’infirmerie, elles sont aussi là. Pour aider dans les soins. Infirmière dans une clinique privé, FS s’est enrôlée VDP pour apporter sa contribution dans la lutte contre le terrorisme.
Près d’une heure d’échanges et les histoires n’en fissent pas. « Vous savez tantie, ici au camp, nous sommes dans une villa même. Au front sur le terrain, on dort dans des trous. Ici, le matin, y a pain et café, là-bas, y a pas ça. Mais on n’y pense même pas. Lorsque nous sommes sur le terrain, notre détermination est d’en découdre avec l’ennemi seulement », commente-t-elle. Et une autre d’ajouter : « même quand il pleut, on fait ressortir l’eau dans le trou et on s’y couche. Il faut toujours être prêt parce que l’ennemi peut surgir à tout moment ». D’ailleurs précise le capitaine Zida, commandant du centre de formation des VDP, « l’affection des VDP ne tient pas compte du genre. On affecte tout le monde suivant les valeurs physiques, tactiques et techniques acquises. D’autres VDP femmes sont affectées aux unités de combat avec les bataillons de marche mixte. Elles partent sur le terrain, elles combattent avec les autres garçons. D’autres sont aux unités de soutien, à travers l’infirmerie de soutien, la restauration ».
Sur des nattes à même le sol dans un froid majestueux
Avec elles, nous passons la nuit. Sous des tentes. Elles y sont au nombre d’une dizaine. A Chacune sa natte étalée à même le sol avec son baluchon. Pas d’ampoule, ni de lampe. Une fois à l’intérieur, il faut soit allumer la torche du téléphone ou une petite torche. Il y fait un froid glacial. Difficile de fermer les yeux pour la journaliste qui vit cette réalité. Nous n’avons pu enlever ni nos chaussures, ni le chapeau parce que les 2 couvertures ne pouvaient suffire. Pourtant, à 5h du matin, il y a le sport à faire. Pour ces VDP, cette tente est une R+3 comparé aux conditions de vie au front ou elles font face à tout : serpent, scorpion, froid, pluie, soleil, faim. Mais surtout la mort. La mort qu’elle côtoie à chaque seconde. Mais elles sont prêtes, déterminées, avec la ferme conviction à ramener la PAIX au Burkina Faso. Et c’est un chef de centre, Ousséni Zida qui est satisfait de l’engagement de ces femmes VDP. « Nous sommes satisfaits de leur engagement. Tant qu’elles peuvent, elles apportent tout comme les autres VDP, quelque chose dans l’édification de la paix. Elles partent sur le terrain, elles tiennent la kalash parce que la balle ne sélectionne pas si c’est un VDP masculin ou féminin. Quant à la riposte, elles vont tirer comme les autres VDP pour chercher à toucher l’ennemi », commente-t-il. De niveau d’études diversifié (EDUCAION INFORMEL, NIVEAU, CEP, BEPC, BAC, LICENCE, MASTER), sur les 17 000 VDP recrutés et formés, environ 800 sont des femmes.
- Fiche de notes sur le centre national de formation des VDP
« Le centre national de formation des volontaires pour la défense de la patrie (VDP) est une structure d’accueil et de formation dans le cadre de la mobilisation. C’est un centre qui permet de donner des connaissances techniques et tactiques aux VDP pour qu’ils puissent évoluer aux cotés des Forces de défense et de sécurité (FDS) sur le terrain. Il se veut une structure d’entrainement et une base arrière. C’est aussi un cadre de repos, une fois de retour du terrain. De là, les VDP peuvent rendre visite à leurs familles, se donner le moral et repartir encore sur le terrain.
Bassératou KINDO/MoussoNews
L’information bien traité