Résilience de déplacées internes : Nioula Noumpoa et Mélanie Sawadogo se relèvent
Nioula Noumpao, 24 ans et Mélanie Sawadogo 37 ans, semblent avoir le même destin. Les deux dames ont fui les attaques terroristes dans leur région pour se retrouver à Koudougou. D’étudiante en Biologie, Nioula s’est reconvertie en vendeuse de pagne. Mélanie, mère de 3 enfants est devenue vendeuse de charbon.
Nioula Noumpoa, 24 ans, biologiste en formation à l’université Norbert Zongo de Koudougou est une personne déplacée interne
Originaire de Tambaga, Nioula a dû quitter sa localité à cause de l’insécurité. Elle a commencé son cursus universitaire à Fada où elle a fait un test d’ingénierie dont les frais de scolarité étaient trop élevés pour elle. La jeune fille s’est réinscrite à l’université publique de Koudougou afin de poursuivre ses études. « C’est par obligation que j’ai quitté la région de l’est. L’insécurité dans notre localité s’empirait de jour en jour. Surtout pour se rendre en cours c’était tout un problème. Ne voulant pas abandonner les études j’ai décidé de m’installer dans une autre ville. Aussi une autre raison est que je ne pouvais plus payer ma scolarité vue que les activités sont en arrêt et cela devenait difficile pour mes frères et moi », explique-t-elle.
Contrairement à Nioula, Mélanie Sawadogo, 37 ans, mère de 3 filles a arrêté ses études scolaires en classe de 4 -ème pour entreprendre. A cause du terrorisme, elle a aussi été contrainte de quitter le Salmantenga pour vivre à Koudougou. La coiffure, est son domaine d’expertise depuis plus de 15 ans.
En fuite avec ses enfants depuis plusieurs mois, Mélanie n’a plus des nouvelles de son mari. « L’insécurité dans mon village fait que les hommes abandonnent leurs femmes pour se réfugier ailleurs parce que les terroristes les obligent à intégrer leur groupe. De mon côté cela fait 2 ans de silence de la part de mon mari. Je n’ai absolument aucune nouvelle de lui. J’ignore s’il est toujours en vie », confie-t-elle.
Comment s’est faite l’intégration à Koudougou ? Pourquoi ce choix de ville ?
La jeune Nioula est arrivée à Koudougou grâce à ses connaissances. Nioula a sollicité l’aide de ses camarades pour les inscriptions et pour son logement.
Situé au secteur 8 de Koudougou, l’étudiante cohabite avec 8 autres filles dans une maison chambre salon où le loyer mensuel est partagé.
Au début, pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses frères et sœurs, l’étudiante a travaillé dans la restauration à ses temps libres. Néanmoins, ce travaille n’arrivait pas à couvrir toutes ses dépenses: des factures, des ordonnances médicales, des besoins en documents universitaires etc. « Je n’avais qu’un repas par jour souvent, je peux faire 2 à 3 jours sans manger. Une fois je suis restée malade pendant plus de 5 jours, je n’avais pas d’argent pour me faire soigner, j’ai dû demander des médicaments à mes camarades », dit-elle tristement.
Mélanie quant à elle, a fait un long parcours avant de se repositionner dans la ville de Koudougou. Elle confie que tout allait bien dans sa localité d’origine, surtout avec l’orpaillage. « Avant le terrorisme était beaucoup plus reconnu à Dori. Puis, s’est propagé à Kaya, et dans les petits villages. Nous voyions des habitants de villages qui quittaient leur localité mais nous ne savions pas que notre tour viendrait. Au début on nous avait prévenu de quitter les lieux, nous avions alerté les autorités qui nous rassuraient que tout ira bien que nous n’eussions pas besoin de partir. Nous sommes donc restés mais la situation s’est empirée, dans les affrontements, j’ai perdu mon père qui dormait dans sa maison. Au lendemain, nous sommes partis de notre village. J’ai été à Mané, à Ziniaré, à Ouagadougou pour ensuite m’installer à Koudougou », raconte Mélanie avec une larme en coin.
Mélanie a pu s’intégrer dans sa nouvelle ville, grâce à une proche qui avait une connaissance à l’action sociale. Elle logeait dans une maisonnette que ladite institution l’avait aidé à trouver. N’ayant pas eu les moyens pour régler son loyer mensuel, elle a laissé ce toit sous l’ordre du bailleur.
Depuis plus d’un mois maintenant, Mélanie habite au secteur 5 dans une maison où, le loyer est fixé à 5000 FCFA. Sa nouvelle demeure est dotée d’eau mais pas d’électricité. La coiffeuse ne possède qu’une lampe avec laquelle elle assure l’éclairage de son domicile et les révisions de ses enfants. Grâce à l’action sociale et à un pasteur d’une église protestante, Mélanie a été soutenu avec des vivres alimentaires. Selon la mère coiffeuse, l’action sociale aide les PDI à s’intégrer, à trouver un logement, un établissement scolaire pour leurs enfants, mais elle ne les aide pas à assurer les frais. « L’action sociale nous a donné 50 kg de sorgho rouge et du riz blanc. Elle nous a dit qu’elle aide les PDI à avoir de la place dans les établissements scolaires mais les frais de scolarité sont à nos charges. Je n’ai pas encore payé toute la scolarité de mes 2 filles. Je n’ai jamais vécu une vie pareille. Depuis que nous sommes là, c’est une seule fois que nous avons reçu des vivres de l’action sociale. Une amie m’a dit que l’action sociale trie les gens pour les aider, il y’a des PDI qui ont reçu plus de deux fois des vivres mais nous, nous avons reçu une seule fois. Nous n’avons plus rien actuellement » ,explique désespérément Mélanie.
Nioula Noumpoa et Mélanie Sawadogo, l’entreprenariat au service de leur résilience
Quelques temps après son installation à Koudougou, l’étudiante Nioula a bénéficié d’une formation professionnelle en tissage de pagnes initiée par l’action sociale. A l’issus de la formation, elle a reçu des kits de tissage avec lesquels elle réalise de beaux articles à domicile. Entre 3 heures ou 5 heures du matin, la biologiste en formation tisse avant de se rendre à l’université pour ses cours. Tissage, cours, vente de ses œuvres, est la routine de Nioula.
Par contre, Mélanie Sawadogo, est coiffeuse depuis 2005. Une fois à Koudougou, la vie était très difficile pour elle. La coiffure ne pouvait plus couvrir toutes ses dépenses. Abandonnant la coiffure, elle vend à domicile du charbon comestible, du alloco et des patates grillées. « La coiffure coute chère, j’ai quelques matériels de coiffure mais il me faut des moyens pour l’entretien », dit-elle en soupirant. A 5h30 du matin, la maternelle est déjà sur pieds pour apprêter ses enfants pour l’école. Plus tard, elle fait la cuisine et commence à disposer ses affaires pour son petit commerce de vendeuse de patate douce.
Créer un centre de formation, le rêve de Nioula Noumpoa
Nioula souhaite partager ses connaissances acquises dans le tissage de pagnes concordants à travers un centre de formation pour jeunes.
En plus de son établissement de tissage, la jeune fille prévoie initier des filles et femmes dans la fabrication de savons liquides et solides. « Je veux vraiment m’améliorer dans l’entrepreneuriat féminin. Mais ce sont les moyens qui me manquent pour que je puisse me lancer », confie désespérément Nioula.
Aussi, elle ambitionne avoir un restaurant, où elle compte démontrer et vendre ses talents culinaires.
Projet de ramassage d’ordures, le cri de cœur de Mélanie Sawadogo
Mélanie Sawadogo, aspire mettre en œuvre son projet de ramassage d’ordures. « Dans notre quartier, personne n’est disponible à ramasser les ordures à domicile. Nous sommes nombreux, nous avons fait un groupement pour faire le ramassage. J’ai soumis mon projet à la mairie, je souhaite avoir 2 taxis moto qui vont nous permettre de faire le travail », dit-elle avec conviction et espoir.
Coiffeuse professionnelle depuis plus de 15 ans, Mélanie aimerait également ouvrir un salon de coiffure féminine.
Par ailleurs, elle souhaite avoir une plaque électrique pour permettre à ses enfants d’étudier. « Quand je reviens de l’école à 17 heures, je profite de la lumière du jour pour apprendre mes leçons avant la tombée de la nuit. Quand il fait sombre, j’utilise la petite lampe que maman nous a acheté » dit Imelda, élève en classe de 5 -ème, 14 ans, 2 -ème fille de Mélanie.
Très brillante, l’élève ambitionne de devenir une avocate pour soutenir et rendre justice aux personnes en tort. Elle se rend à pied à l’école, toute comme sa grande sœur Kamila, élève en classe de 4 -ème. « Depuis que notre mère fait son petit commerce, notre situation s’améliore, avant nous pouvons faire des jours sans manger. Nous ne vivions que de crédit mais depuis quelques temps, tout va au mieux, ce n’est pas bien mais ce n’est pas pire », témoigne Imelda avec des larmes aux yeux.
Nioula Noumpoa et Mélanie Sawadogo souhaitent un jour retourner dans leur localité d’origine bien que les voies soient inapplicables et les réseaux de communications défaillants.
« La vie est simple là-bas avec l’or, je gagnais beaucoup. L’insécurité a tout chamboulé il n’y’a plus personne dans les villages, tout le monde est parti »,souligne Mélanie.
« Je suis orpheline de père et de mère. Même si je retourne, c’est pour voir des proches et des connaissances. J’ai besoin d’aide pour les frais de scolarité de mes frères et moi. Tout est à ma charge, pourtant personnellement je n’arrive pas à avoir un repas un par jour », infirme tristement Nioula.
Mélanie également lance un appel d’aide. « C’est mieux que les bonnes volontés nous soutiennent directement parce que l’action sociale ne nous aide pas convenablement. Elle dit que nous ne sommes pas les seuls déplacés internes et qu’elle ne reçoive pas de vivres », raconte Mélanie avec une voix tremblante.
Annick HIEN/MoussoNews