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Roseline Ouoba : Première femme parachute du Burkina
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Roseline Ouoba a 72 ans. Elle est la première femme parachute du Burkina Faso. Elle avait pourtant intégré l’armée sans test, ni recrutement officiel. Sa motivation : briser les barrières du genre dans les fonctions dit réservés aux hommes. #Portrait.
Ils sont peu qui ne connaissent pas Roseline Ouoba au secteur 5 de la ville de Bobo-Dioulasso. Dans la ruelle ou elle habite, de jeunes hommes prenaient du thé ce mercredi 8 février 2023. A la question de savoir ou se situe exactement la cour de Mme Ouoba, un parmi eux de crier : « la mamie militaire là, c’est juste là, porte bleu », a-t-il indiqué du doigt. Dans cette cour, assez grande auréolée d’arbres, c’est une mamie très joviale, grande de taille qui sorte de la maison. « Je suis seule ici », dit-elle souriante. Seule mais très occupée avec ses petits jardins de maraichages.
Visiblement en forme et du haut de ses 72 ans, Roseline se rappelle encore de l’année ou elle a décidé d’opter pour l’armée. « Vous savez, j’ai toujours cru en moi », dit-elle l’air rassurante. Dans les années 70, poursuit-elle, il était inconcevable pour une femme de rêver faire le parachutage. C’était, ajoute-elle, un métier d’homme. A 16 ans, Roseline nourrissait pourtant des idées dites ‘’osées pour la femme’’. Elle en parlait à son oncle, qui, un jour le fait visiter le camp militaire de Bobo-Dioulasso. La jeune fille aperçoit de jeunes militaires en plein exercice de saut parachute. Elle en était fascinée et séduite. De retour à la maison, elle ne cesse d’en reparler à son oncle. « Les images défilaient en boucle dans ma tête. Je voulais faire comme ces jeunes militaires, je voulais tellement le faire », raconte Roseline toujours avec conviction.
Moumouni Ouédraogo, alors Capitaine de l’armée, oncle de Roseline est informé de son désir à rejoindre l’unité. « Quand j’ai dit à mon oncle que je voulais être parachutiste, il a catégoriquement refusé. Au fil des jours, avec mes insistances, on trouva un consensus. Il devait en parler d’abord à ma mère, qui aurait le dernier mot. Quant-il en a parlé, ma mère n’a pas vu d’inconvénient. Elle a dit que si j’étais sûre de pouvoir le faire, d’y aller », se rappelle-t-elle encore.
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Seule jeune fille parmi des hommes
En 1969, Roseline rejoint l’armée de l’air. Elle est inscrite pour la formation. Seule femme parmi des hommes et n’étant initiée à une pre-formation, Roseline vit les premiers jours difficilement. « Tous les autres étaient des militaires sauf moi. Je faisais aussi la majorité des exercices militaires avec eux. C’est seulement les patrouilles nocturnes qu’on m’épargnais. Ça aurait pu être plus dur à supporter, mais comme j’étais assez sportive à l’époque, je me suis rapidement adaptée », raconte-t-elle. Timide, Rosoline apprend à s’habituer à ses collègues. « J’ai appris à les connaitre et à me faire accepter. Jamais je n’ai subi, ni de moquerie de mot désobligeants même quand je ne m’en sortais pas bien », témoigne la première parachutiste du Burkina.
Le premier saut, une fête de l’armée
Après quelques années de formation, Roseline sort aguerris. Elle en sait mieux sur l’armée, sur l’aviation et surtout sur le parachute. Elle fait son premier saut en 1975 à l’occasion d’une fête de l’armée. L’air évasif dans un loin souvenir, Roseline tente de se remémorer. Ce jour, dit-elle, c’était un jour de défis. A la question de savoir si elle avait peur, Roseline répond par la négative. « Pas du tout. J’étais déterminé à réussir et relever ce défi. Et je l’ai fait. J’en était fière », dit-elle. Elle devient ainsi une star. « A l’école, dans le quartier, ou au sein du camp, quand les gens me voyaient, on sentait de l’étonnement dans leurs regards, car ils ne croyaient pas qu’une femme, surtout une fille de mon âge pouvait être si courageuse que ça », raconte-t-elle. Des anecdotes et parmi une, Roseline se souvient de ce jour d’exercice. « Un jour on était en exercice de saut, il y avait un jeune homme qui avait peur. Quand l’instructeur l’a largué de l’avion, il a commencé à crier de partout. Il a fini par pleurer quand il a atterri à terre. Quand j’y pense, ça fait toujours rire », se souvient-elle. Au total, ce sont 5 sauts bien structurés dans les airs que Roseline Ouoba compte. La maternité et la vie de foyer ont fini par mettre des limites aux ambitions de la première parachute du Burkina. Elle regrette surtout la mort de son oncle qui lui a ouvert les portes de l’armée. « Moumouni Ouédraogo est mort en sautant de l’avion et son parachute ne s’est pas ouvert », dit-elle la voix triste. Mère deux enfants et grand-mère de trois petits enfants Rosoline occupe son quotidien en prenant soins de ses jardins. Bien appréciée dans le quartier, bien de choses sont dites à son endroit. « Elle est très loyale et aide autant que possible », confie une jeune dame. Réaliser ses rêves et indépendant : le message de Roseline aux jeunes filles.
Moussonews/Bobo-Dioulasso