Sahel : L’agroécologie pour une sécurité alimentaire et environnementale durable
Le sahel est confronté à des défis critiques en matière de sécurité alimentaire et de dégradation environnementale. Les changements climatiques menacent la subsistance des populations déjà vulnérables. Dans ce contexte, l’agroécologie émerge comme une solution prometteuse en offrant des pratiques agricoles durables pour renforcer la résilience des communautés locales et restaurer les écosystèmes fragilisés.
Le sahel présente un climat semi-aride caractérisé par des précipitations imprévisibles et souvent insuffisantes, exacerbées par des périodes de sécheresse récurrentes.
La pression démographique croissante et un usage non durable des terres contribuent à une dégradation accrue des sols, à la désertification et à la perte de biodiversité.
La sécurité alimentaire est donc une préoccupation majeure au sahel, où une grande partie de la population dépend de l’agriculture pluviale. Les sols peu fertiles, la rareté de l’eau et la vulnérabilité aux catastrophes naturelles rendent les communautés locales particulièrement sensibles aux fluctuations climatiques et aux crises alimentaires.
Selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM), plus de 20 millions de personnes au sahel sont confrontées à l’insécurité alimentaire chronique, accentuée par les impacts des changements climatiques.
L’agroécologie se distingue par son approche holistique qui intègre les principes écologiques dans la gestion des systèmes agricoles. Elle repose sur la diversification des cultures, la gestion durable des ressources naturelles et la promotion de la biodiversité, visant à renforcer la résilience des écosystèmes tout en améliorant les rendements agricoles à long terme.
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Mise en place d’initiatives agroécologiques et avancées technologiques
Plusieurs initiatives agroécologiques ont été lancées avec succès dans divers pays sahéliens. Au Niger, le programme “Zai” promeut l’utilisation de trous de plantation pour capturer et retenir l’eau de pluie, améliorant ainsi la fertilité des sols et augmentant les rendements agricoles. Au Burkina Faso, les pratiques d’agroforesterie ont permis de restaurer les terres dégradées tout en fournissant aux agriculteurs des sources alternatives de revenus à travers la production de fruits et de bois d’œuvre.
Selon la FAO, ces initiatives ont permis d’augmenter les rendements agricoles de 30 à 80 % dans les zones où elles ont été mises en œuvre.
Les avancées technologiques jouent un rôle crucial dans la promotion de l’agroécologie au Sahel. L’utilisation de techniques numériques telles que les applications mobiles pour la gestion des cultures, les capteurs IoT pour la surveillance des sols, et les systèmes d’irrigation basés sur l’énergie solaire optimisent les ressources et améliorent l’efficacité des pratiques agricoles durables.
L’adoption de l’agroécologie a des effets positifs tangibles sur les communautés sahéliennes. En diversifiant les cultures et en améliorant la fertilité des sols, l’agroécologie contribue à sécuriser les moyens de subsistance des agriculteurs et à réduire leur dépendance aux aides alimentaires externes.
Sur le plan environnemental, elle favorise la restauration des écosystèmes dégradés, la séquestration du carbone et la conservation de la biodiversité locale, tout en réduisant l’érosion et en améliorant la qualité des sols.
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Défis rencontrés
Malgré ses nombreux avantages, l’agroécologie fait face à plusieurs défis à son adoption généralisée. Les contraintes financières, le manque d’accès aux semences améliorées et aux technologies appropriées, ainsi que les barrières culturelles et institutionnelles, entravent souvent sa mise en œuvre à grande échelle.
Des politiques de soutien adaptées, des investissements ciblés dans la recherche et le développement agricole, ainsi que la sensibilisation et la formation continue des agriculteurs sont essentiels pour surmonter ces obstacles.
En parallèle aux défis environnementaux, la région du Sahel fait face à une crise humanitaire complexe et interconnectée, exacerbée par l’instabilité, la détérioration de la sécurité et les effets du changement climatique. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), près de 33 millions de personnes à travers le Sahel ont un besoin urgent d’aide humanitaire et de protection en 2024. Pourtant, les partenaires humanitaires n’ont reçu que 40 % des 4,7 milliards de dollars soit environs 2846, 98 milliards de FCFA nécessaires pour répondre à ces besoins.
Pendant la saison de soudure de juin à août 2024, environ 16,7 millions de personnes vont avoir du mal à se nourrir, tandis que la violence croissante et les conflits perturbent les moyens de subsistance et l’accès aux services essentiels tels que l’éducation et les soins de santé.
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Les femmes, les enfants et les personnes ayant des besoins spécifiques sont particulièrement vulnérables à ces crises, étant souvent privés de leurs droits fondamentaux et de leur dignité.
Les efforts humanitaires dans la région sont essentiels mais confrontés à des défis sans précédent, nécessitant une réponse globale et coordonnée pour éviter une détérioration encore plus grave de la situation.
Au cours des deux dernières décennies, de 1998 à 2017, les sécheresses ont causé des pertes économiques estimées à environ 124 milliards de dollars soit environ 75125,40 milliards de FCFA à l’échelle mondiale (IDRA).
Ces chiffres témoignent des conséquences économiques désastreuses que peuvent avoir les périodes de sécheresse prolongée, notamment en termes de pertes agricoles, de migrations forcées et de perturbations économiques locales.
Actions concrètes
Pour réaliser pleinement le potentiel de l’agroécologie au Sahel, des actions concertées sont nécessaires. Les politiques publiques doivent favoriser un environnement propice à l’agroécologie, en intégrant des incitations économiques et des mesures de régulation qui encouragent les pratiques durables.
Le renforcement des partenariats internationaux, des initiatives de coopération régionale et de la société civile est également crucial pour promouvoir une transition écologique inclusive et équitable.
La crise au Sahel ne se limite pas à ses frontières, affectant également les pays voisins qui accueillent des réfugiés et des déplacés internes en nombre croissant. Les effets du changement climatique exacerbent les vulnérabilités existantes, créant un cercle vicieux de crises interdépendantes qui nécessitent une action urgente et concertée.
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Des initiatives pour contrer la sécheresse
L’Initiative de la Grande Muraille Verte (IGMV), lancée en 2007, vise à restaurer 100 millions d’hectares de terre dégradée à travers le sahel en plantant des arbres, en promouvant des pratiques agricoles durables et en renforçant la résilience des communautés locales face aux changements climatiques.
L’IGMV s’étend sur plus de 7 000 km, traversant 11 pays de la région sahélienne, de l’Atlantique à la mer Rouge. En plus de restaurer les terres dégradées, cette initiative vise également à améliorer la sécurité alimentaire, à créer des emplois verts et à réduire les migrations forcées en renforçant les moyens de subsistance locaux.
L’agroécologie est une solution durable et prometteuse pour le sahel, répondant aux défis environnementaux et alimentaires de la région. En intégrant des pratiques agricoles respectueuses de l’écosystème, elle renforce la résilience des communautés locales, restaure les terres dégradées et améliore la sécurité alimentaire.
Toutefois, son impact optimal dépend d’une action concertée impliquant des politiques publiques favorables, des investissements en recherche et développement, et une sensibilisation accrue des agriculteurs.
La crise humanitaire et environnementale au Sahel nécessite une réponse globale et coordonnée pour éviter une aggravation de la situation. L’Initiative de la Grande Muraille Verte démontre comment des efforts collectifs peuvent transformer des défis en opportunités.
L’avenir du Sahel repose sur la capacité à mettre en œuvre des solutions innovantes et durables comme l’agroécologie, en renforçant les partenariats internationaux et en soutenant les communautés locales dans leur quête d’un avenir meilleur et plus résilient.
Rodrigue SEKONE