Santé reproductive des femmes : Planifier d’accord ! Mais rendre encore plus accessibles les contraceptifs d’abord !
Mariam avait à peine 30 ans. Elle a laissé sa vie en rendant la vie à Idriss (un nom d’emprunt) le 24 juillet 2013. Jeune femme mariée à un maçon, elle était à sa sixième gestation en l’espace de 5 ans. Tout comme son époux, Mariam estsans information sur la planification familiale à Bobo-Dioulasso, deuxième ville et capitale économique du Burkina Faso, où existent pourtant plusieurs structures sanitaires avec des services de santé maternelle et infantile. Qu’est-ce qui ne va donc pas?
Le sujet sur la planification familiale ne souffre plus de débat. Bien que la question soit fondamentale pour la survie de la femme et même de l’homme, certaines réalités démontrent cependant un réel besoin de renforcer la sensibilisation auprès des populations. En effet, le 1erseptembre 2011, Sita Traoré trouvait la mort à la maternité Sylla Sanou sur la table d’accouchement. Elle était, selon la sage-femme à sa neuvième grossesse alors qu’elle n’avait que 26 ans. Aussi, Sita n’avait-t-elle pas également suivie toutes les consultations prénatales pour avoir des informations sur l’importance de la planification familiale, selon toujours la sage-femme. Cependant même si les conditions de l’accouchementsont pour quelques choses dans son décès, Sita aurait encore été en vie, si elle avait été aussi informée de la nécessité d’espacer les naissances. La mort de la parturiente a révolté la population qui a tout simplement brûlé la maternité, toujours pas fonctionnelle depuis 2011. Quant à la sage-femme, elle a été licenciée de la Fonction publique après 6 mois passé en prison pour non-assistance à personne en danger.
Le même sort, à savoir le manque d’informations sur la planification familiale, a frappé Mariam qui laisse derrière elle, 6 enfants dont Idriss qui a dû être allaité par sa tante (la grande-sœur de sa mère). Ces deux histoires, d’une profonde tristesse, mais surtout révoltantes, restent cependant d’actualité du fait d’un manque de sensibilisations et d’informations nécessaires autour de la planification familiale. En effet, au Burkina Faso, de nombreuses structures comme les centres d’écoute, les centres de santé de l’Association burkinabé pour le bien-être familiale (ABBEF), les services de la santé maternelle et infantile, etc. existent pour accueillir les femmes et les couples, et leur fournir des informations sur les moyens d’espacement des naissances. Espacement d’enfants et non limitation de naissance, parce que, explique l’animateur Berthé Sougali de l’ABBEF/Centre d’écoute pour jeune de Bobo-Dioulasso, beaucoup de personnes, surtout la gent masculine, croient que la planification familiale est égale à la limitation de naissances. D’où une certaine réticencedont les conséquences sont très souvent fatales.
Des femmes se cachent toujours …
La planification familiale (PF) reste un sujet d’intérêt commun pour la nation burkinabé du fait de la pauvreté grandissante et des nombreux problèmes sociaux, à en croire Silvie Sanou, une sage-femme. Une réalité qui semble comprise par de nombreuses femmes qui n’hésitent plus à fouler au sol les anciennes allégations selon lesquelles l’enfant est source de richesse. Malheureusement, rappelle l’animateur, Berthé Sougali:
«lors des séances de sensibilisation, des individus se réclamant des musulmans fanatiques soutiennent le contraire de l’espacement des enfants qui reste selon eux, un don de Dieu ». C’est pourquoi, il est fréquent de voir des femmes se cacher pour se rendre dans les centres de santé lorsqu’elles veulent adopter une méthode contraceptive.
Des agents de santé des services de santé maternelles et infantiles confient rencontrer plusieurs cas du genre. Mais, il leur est toujours demandé d’en discuter avec leurs époux avant toute initiative de choix contraceptif. Une dure réalité qui reste cependant d’actualité, à laquelle il faut trouver une solution. Dans les villages éloignés, les services de santé avaient mis en place une «clinique mobile». Il y a eu un fort engouement des femmes pour les méthodes contraceptives. La plupart de ces femmes ont choisi le «norplan» avec, heureusement, l’accord de leurs maris. Celles qui n’ont généralement pas le soutien de leurs époux, adoptent une méthode cachée comme les injectables ou les dispositifs intra-utérine (DIU), encore appelés «stérilet».
Des hommes ont compris mais…
Yacouba Sanou, comptable de profession, fait partie de ces hommes qui ont compris l’importance de la planification. «Avec ma femme, nous avons fait deux garçons. Elle veut un troisième, mais je ne suis pas prêt pour en faire. C’est pourquoi, je l’ai accompagné moi-même au centre de santé pour qu’on choisisse ensemble une méthode d’espacement des naissances», a-t-il confié, ce mardi 12 août 2014. Ainsi, même si des hommes sont encore réticents à l’idée de la planification familiale, certains donnent de l’espoir quant à leur prise de conscience sur l’importance de l’espacement des naissances. «Beaucoup d’hommes accompagnent leurs épouses à l’ABBEF ou au CSPS (Centre de santé et promotion sociale) pour la planification familiale. Nous profitons encore de leur présence pour expliquer son importance afin qu’ils répercutent l’information auprès d’autres hommes», soutient Silvie Sanou. A la question de savoir laquelle des contraceptifs est la plus utilisée, M. Berthé répond qu’il s’agit des pilules ou encore du «norplan». Toutefois, les femmes ont le choix des méthodes contraceptives après une large explication sur les différents types et leurs avantages. Cela, parce que beaucoup se sont plaintes des effets secondaires, mais aussi du coût excessif de certains produits. Environ 10 à 15 femmes sont enregistrées tous les jours ouvrables à la recherche de méthode d’espacement de naissances au Centre de santé et promotion sociale de l’ABBEF. C’est pourtant peu, à en croire l’animateur.
Quelles autres solutions?
Des responsables de services en charge de la planification familiale, à l’image de Berthé Sougali, proposent la gratuité des produits contractifs ou encore l’accessibilité à moindre coût. Ce qui, à leur avis, permettra d’atteindre les objectifs. Concrètement, ils souhaitent une subvention par exemple de la pilule qui se vend à 100 F CFA qui peut être distribuée gratuitement aux femmes. Le «norplan» qui coûte 3000 F CFA pourrait être cédé à 1000 F CFA ou même 750 F CFA et le stérilet qui fait 2000 F CFA, serait plus accessible à 1000 ou 500 F CFA. Cela parce que des femmes n’y ont toujours pas accès du fait de la cherté de certains produits qu’elles préfèrent, mais n’ont pas les moyens financiers de s’en procurer.
Bassératou KINDO
Témoignages
Maimouna, 20 ans et mère de trois enfants
«Je ne souhaite plus faire d’enfants, en tout cas pas maintenant »
«C’est à 16 ans que je suis tombée enceinte. Je n’étais pas encore mariée. Je suis pourtant d’une ethnie qui bannit cette situation. Il fallait déménager chez l’auteur de la grossesse. Heureusement, il est venu demander ma main et nous nous sommes mariés. En l’espace de 5 ans, j’ai fait deux autres enfants. Et pendant tout ce temps, je n’ai pu rien faire de bon pour moi et ma famille. Je me suis résolue à me rendre à l’Association burkinabé pour le bien-être familiale (ABBEF) pour faire un choix des méthodes d’espacement de naissances, sans cependant informer mon mari qui n’allait sans doute pas l’apprécier».
Azéta, 32 ans, mère de quatre enfants
«L’information m’a échappée…»
«J’avoue que j’ai été surprise par la quatrième grossesse parce que je ne me suis jamais intéressée aux sensibilisations sur la planification familiale. Je mesure aujourd’hui son importance et je me suis engagée à être une porte-parole auprès d’autres femmes pour la nécessité de la planification familiale».
Rassemblés par Bassératou KINDO