Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne

Latifatou Sawadogo/Demé, 17 ans originaire de Douma, commune de Tanghaye du Burkina a scellé son union le jeudi 1 août 2024. Ayant quitté leur localité pour s’installer au secteur 15 de Ouahigouya, sa famille a trouvé la force de célébrer cet événement significatif pour leur fille.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 2
Latifatou Sawadogo/Demé

De la fumée. De la viande grillée. Des fagots de bois par çi ; des bidons de 20 litres par-là. Du zoom koom (jus de petit mil) en préparation, des femmes autour de marmites moyennes, d’autres assises en groupe et les hommes dans une autre cours : C’est le mariage de Latifatou Sawadogo et de Salif Démé, des déplacés internes.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 3
La cours est ambiancée par les enfants qui accourent curieusement et joyeusement dans tous les sens

Dans une concession du secteur 15 de Ouahigouya, les femmes s’attèlent pour les préparatifs des repas. Des enfants, curieux de savoir ce qui se met au feu rôdent autour des marmites.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 4
Les préparatifs des repas

A cause du terrorisme, les communautés de Latifatou Sawadogo et Salif Demé ont fui leurs villages pour s’installer à Ouahigouya. Depuis plus d’un an, les choses ne semblent pas aller de bon trains dans leurs localités, alors ils décident de célébrer l’union entre leurs enfants. Les familles respectives ont entamé les démarches du mariage de leurs enfants depuis le village bien avant leur réinstallation à Ouahigouya. De la manière la plus sobre, la cérémonie est célébrée suivant les mêmes processus que ceux du village. Par contre, la fête ne s’est pas déroulée comme d’habitude car ils sont venus à Ouahigouya sans aucuns biens.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 5
Salif Demé, le mari de Latifatou

Salif Demé, orpailleur, âgé de 24 ans, mari de Latifatou est confondu aux invités.

Simplement vêtu d’un maillot et d’un jean, il raconte comment il a pu conquérir le cœur de Latifatou. « Je la draguais déjà au village. Au début, elle m’a dit qu’elle avait déjà des prétendants. Sans abandonner, j’ai tenté ma chance et je l’ai eu. C’était une compétition, j’ai fait tout mon possible pour l’avoir. Déjà au village, Nous nous sommes mis d’accord pour nous marier. Puis à cause du terrorisme, nous avons dû fuir pour nous installer ici à Ouahigouya. Les choses ne s’arrangeaient pas alors nous avons décidé de nous marier ici », explique-t-il timidement.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 6
Mariam Ouédraogo est la nièce du marié

20 000 FCAF pour les dépenses liées aux repas

Grâce à son activité d’orpaillage, Salif Démé a pu s’enquérir la somme de 20 000 FCFA pour les dépenses liées aux repas du mariage. Du riz gras accompagné de la viande de mouton et de poulet, c’est le seul menu disponible pour les invités à cette cérémonie.

Les invités, les parents, les connaissances, les voisins, tous sont déjà sur les lieux en attendant la ‘’Pogpaala’’ (nouvelle mariée) qui doit arriver dans la soirée.

La nièce du marié, Mariam Ouédraogo est au four et au moulin pour que les repas soient près avant l’arrivée de la Pogpaala Latifatou. « Les parents du marié nous ont remis 20 000 FCFA pour acheter les condiments pour la cuisine. Nous avons fui nos villages pour Ouahigouya, c’est difficile de célébrer le mariage comme si nous étions chez nous. Nous n’avons rien emporté ici, ce sont les voisins qui nous ont soutenu avec des marmites, des plats, des chaises, 2 futs pour conserver l’eau et le jus de mil » détaille tristement Mariam.

En plus du riz, Mariam Ouédraogo fait du tô avec de la sauce de sésame et du boulvaka pour la mariée. « Le soir, nous allons préparer du to et c’est ce que la mariée va manger à son arrivée. C’est notre tradition », informe-t-elle tout en remuant une marmite de viande au feu.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 7

Une mariée confondue aux invités

Agée de 17 ans, la mariée Latifatou est une jeune fille de teint noir avec une taille et une corpulence moyenne. A cause de sa situation de PDI, la jeune fille est vêtue d’un pagne ordinaire à la hanche, d’un t-shirt multicolore et d’un foulard bleu qui cache ses cheveux.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 8
Aminata Guiro, la mère de la nouvelle mariée

Aminata Guiro est la mère de la nouvelle mariée. Le mariage de sa fille est un jour heureux pour elle en dépit de leur situation de déplacé interne. Elle ne lui souhaite que du bonheur tout en lui donnant des conseils et de nombreuses bénédictions pour le bon fonctionnement de son couple. Selon leur coutume, la mère reste au près du nouveau couple pendant une semaine avant de retourner dans son village.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 9
Abdoulaye Dema, l’oncle du marié

Une union célébrée dans une concession, le choix de nombreux couples PDI à Ouahigouya

Le mariage de Latifatou Sawadogo et de Salif Démé est célébré dans une concession et non à la mosquée comme la coutume le recommande. Tout comme eux, de nombreux couples PDI préfèrent célébrer leur mariage dans une concession plutôt que de le faire à la mosquée en raison des tarifs jugés trop chers pour eux.

5000 FCFA est la somme symbolique qui a été remise aux autorités coutumières et religieuses pour sceller l’union entre les deux tourtereaux. A entendre l’oncle du marié, Abdoulaye Dema, les tarifs d’un mariage dans une mosquée de Ouahigouya sont exorbitants pour eux, déplacés internes. « Au village, il n’y a pas de prix pour célébrer un mariage à la mosquée, mais ici, les tarifs de la mosquée sont chers pour nous. Nous n’arrivons pas à manger en tant que PDI encore moins de dépenser beaucoup pour un mariage. Alors nous avons préféré le faire dans une concession d’une bonne volonté qui a bien voulu nous la prêter pour quelques heures », détaille-t-il.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 10
Salimata Guiro, une connaissance du couple

L’union de Latifatou et de Salif a été scellé grâce à la solidarité de plusieurs acteurs. Tous les matériels leur ont été prêté pour le mariage : des chaises, des tables, de petites barriques, des marmites, 2 cours pour les préparatifs liés à la cuisine, etc.

Bien qu’il n’y ait pas de grands plats au menu, le couple a bénéficié du soutien, des voisins et environs. Salimata Guiro, une connaissance du couple, aide également à faire les repas. « Nous n’avons pas pu regrouper tous les membres de leur communauté pour cette union mais nous faisons en sorte que tout se déroule bien avec l’aide des voisins et autres », rassure-t-elle.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 11
Kadisso Ouédraogo est la conseillère de Latifatou

Une nouvelle mariée, une conseillère pour l’accompagner à son nouveau domicile 

Kadisso Ouédraogo, membre de la famille de la mariée est celle qui a été choisi pour accompagner Latifatou à son domicile.

Elle est chargée de donner des conseils à la mariée. Pour le bon fonctionnement du couple, Kadisso demande à Latifatou d’être soumise et respectueuse à son mari. « Respecter son mari, sa belle-mère, son beau-père. Être douce, patiente, être à l’écoute de son mari pour qu’ensemble ils forment un beau foyer », sont entre autres les conseils de Kadisso Ouédraogo pour Latifatou Sawadogo/Demé.

Pour la célébration du mariage , Zeynabou Ouédraogo, la grande sœur de Latifatou est la dame de compagnie. A ses côtés, elle soutient sa petite sœur et lui donne également des conseils et des astuces pour son foyer.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 12
Zeynabou Ouédraogo est la grande sœur de Latifatou et sa dame de compagnie

 Outre ces dames à ses côtés, une fillette est mise à la disposition de la nouvelle mariée durant 7 jours. « Selon notre tradition, la nouvelle mariée doit être accompagnée à son nouveau domicile par une fille qui lui sert de servante pendant 7 jours. Elle est chargée de faire toutes les tâches ménagères. Après les 7 jours, elle retourne chez elle et la nouvelle mariée prend les choses en mains », explique Aminata Guiro, mère de Latifatou.

Un festin d’espoir : Le mariage de Latifatou Sawadogo, une déplacée interne 2
Latifatou Sawadogo désormais madame Demé

Le 1e aout 2024 est désormais l’un des jours mémorables pour Latifatou Sawadogo/Demé. Les saveurs des plats réconfortants proposés à son mariage, l’atmosphère ont rappelé à tous que même dans les moments les plus sombres, la culture et l’amour demeurent et tissent un avenir lumineux empreint de traditions et de résilience.

Annick HIEN/MoussoNews

Partagez

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *