Vaccin antipaludique : Ne vous laissez pas piquer par les rumeurs !
Le Burkina Faso, à l’instar d’autres pays africains, a introduit le 5 février 2024 le vaccin antipaludique RTS,S à son Programme élargi de vaccination (PEV) au sein de 27 districts sanitaires. L’Afrique, continent le plus touché par le paludisme, sera le principal bénéficiaire de ce vaccin avec un total de 18 millions de doses qui seront administrées. Cependant, une vague de désinformation et d’idées reçues circule sur ce préventif de l’endémie la plus meurtrière du continent. Que sait-on réellement sur ce vaccin ? Quelle est son efficacité ? Pourquoi est-il déployé en Afrique ? Qui finance ce vaccin ?
Une avancée majeure dans la lutte contre le paludisme
L’arrivée du vaccin antipaludique RTS,S, également connu sous le nom de Mosquirix, dans plusieurs pays africains marque une avancée majeure dans la lutte contre le paludisme. Cette maladie, qui fauche des millions de vies chaque année sur le continent, représente 94 % des cas mondiaux selon les dernières estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Au Burkina Faso, le paludisme a provoqué 4 243 décès en 2022, dont près d’un tiers sont des enfants de moins de 5 ans.
Le déploiement du vaccin en Afrique
Après avoir démontré sa sécurité et son efficacité auprès de 1,7 million d’enfants au Ghana, au Kenya et au Malawi depuis 2019, le vaccin RTS,S est en cours de déploiement dans 9 autres pays d’Afrique : le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Libéria, le Niger, l’Ouganda, la République démocratique du Congo et la Sierra Leone. Au Burkina Faso, 218 222 enfants âgés de 5 à 23 mois, répartis dans 27 districts sanitaires, bénéficieront de ce vaccin à raison de 4 doses par sujet. Sur un besoin total de 3 680 000 doses, le pays n’en a reçu pour l’instant que 878 000.
L’aboutissement de plusieurs essais cliniques
Le développement du vaccin RTS,S est l’aboutissement de plusieurs essais cliniques menés dans sept pays africains, dont le Burkina Faso. L’Unité de recherches cliniques de Nanoro, dans la région du Centre-Ouest, a joué un rôle clé en coordonnant des tests sur 1281 enfants à Nanoro et 16 000 enfants à travers l’Afrique subsaharienne. Les résultats ont démontré une efficacité de 56%, incitant la communauté scientifique à solliciter l’OMS pour autoriser une phase pilote en 2019 au Ghana, au Kenya et au Malawi.
Une efficacité prouvée
Selon le porte-parole de l’Alliance globale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI), le vaccin RTS,S a permis une baisse significative des hospitalisations pour paludisme grave et une réduction de 13% de la mortalité chez les enfants éligibles à la vaccination. Chez les 5-17 mois ayant reçu quatre doses, il a évité 39% des cas de paludisme, 29% des cas graves et réduit de 29% les besoins en transfusions sanguines liées à l’anémie causée par la maladie.
Les normes de l’OMS respectées
Le processus de développement et d’homologation du vaccin antipaludique RTS,S a suivi les normes rigoureuses établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour garantir son efficacité et sa sécurité. En juillet 2015, le vaccin a été soumis à une évaluation scientifique approfondie de l’Agence européenne des médicaments, qui a donné un avis favorable pour son administration dans les régions les plus touchées par le paludisme. Cette étape importante a contribué à valider la qualité et l’efficacité du RTS, S.
Par la suite, en mai 2018, les experts africains réunis au sein du Forum africain pour la réglementation des vaccins (AVAREF), en collaboration avec les autorités nationales de réglementation du Ghana, du Kenya et du Malawi, ont également autorisé l’utilisation du vaccin dans des zones pilotes.
Comme tout vaccin ou médicament, le RTS, S n’est pas sans des effets secondaires. L’OMS a signalé que des réactions inflammatoires telles que la fièvre, des douleurs ou des tuméfactions au point d’injection ont été observées lors des phases d’essais cliniques. Cependant, le Dr Herman Sorgho, parasitologue, chercheur au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST) et membre de l’Unité de recherches cliniques de Nanoro ayant contribué aux phases d’essais du RTS,S a rassuré que ces réactions étaient normales et correspondaient aux réponses immunitaires attendues après l’administration d’un vaccin
Pourquoi le vaccin RTS,S urgemment déployé en Afrique subsaharienne ?
La distribution prioritaire du vaccin aux enfants d’Afrique subsaharienne s’explique par le fait que le continent concentre 95% des décès dus au paludisme dans le monde, dont 80% chez les moins de cinq ans. De plus, le RTS,S cible « le Plasmodium falciparum, parasite responsable des formes les plus meurtrières et fréquentes en Afrique. »
La Fondation Bill & Melinda Gates et le développement des vaccins
Selon des campagnes coordonnées de désinformations observées sur les réseaux sociaux, la fondation Bill & Melinda Gates a financé le développement du vaccin contre le paludisme destiné au seul public africain dont l’objectif réel serait de les stériliser.
Le financement de la recherche et du développement du vaccin antipaludique RTS,S par la fondation intervient à un moment où les investissements étaient insuffisants, a expliqué le chercheur en vaccination Dr Hermann Sorgho à l’organisme burkinabè de fac-checking Fasocheck. « Après les essais de la phase 2, il n’y avait plus de financement, car la firme pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK), qui a inventé la molécule du RTS, S, avait arrêté son investissement, jugeant que le marché n’était pas porteur. Et c’est là que la fondation Bill & Melinda Gates a décidé de financer la recherche du vaccin », a-t-il détaillé.
La fondation Bill & Melinda Gates a apporté un soutien financier de 258 millions de dollars en 2001 puis de 168 millions de dollars supplémentaire en 2008 aux firmes pharmaceutiques engagées dans le développement d’un vaccin contre le paludisme à savoir GSK, la Malaria Vaccine Initiative , Gavi, et MedAccess. Ces fonds ont permis de poursuivre les essais cliniques du vaccin.
Des perspectives encourageantes malgré la désinformation
Le déploiement du vaccin antipaludique RTS,S en Afrique représente une avancée significative dans la lutte contre cette maladie qui pèse lourdement sur le continent. Malgré la désinformation circulant sur son sujet, les données scientifiques disponibles attestent de son efficacité et de sa sécurité. Son introduction dans les programmes de vaccination de plusieurs pays africains laisse entrevoir des perspectives encourageantes pour réduire la morbidité et la mortalité liées au paludisme, en particulier chez les jeunes enfants qui sont les plus vulnérables face à cette maladie. Les efforts se prolongent pour étendre la couverture vaccinale et assurer un approvisionnement suffisant en doses pour répondre aux besoins des populations concernées.
Harouna Drabo